Présentant enfin son premier album sous son nom Betty Bonifassi grave un hommage aux chants d’esclaves afro-américains du début du XXe siècle. Force et résilience.
Par Tanya Beaumont
D’où vient l’idée de ce projet?
C’est surtout un langage vocal qui me plaisait beaucoup et que j’ai découvert, il y a quelques années, et au fur et à mesure de mes recherches, ce qui est devenu une obsession. Je m’amusais à en mettre dans mes collabos et le jour est venu où je me suis dit : «let’s go, on l’fait». C’est aussi si simple. En même temps, c’est un travail de recherche de longue haleine, un peu intello et axé sur la linguistique puisque j’ai remis en valeur le travail de Alan Lomax qui est un ethnomusicologue américain spécialisé sur le sud des États-Unis.
Comment as-tu découvert M. Lomax?
En faisant un travail de recherche annexe pour une pièce de théâtre. On m’avait demandé de trouver de la musique des années 30. Finalement, j’en ai trouvé une, deux, trois… qui ne sont pas uniquement des années 30 puisque ça date de la période avant le blues. Très vite, je me suis intéressée à ce monsieur qui est fascinant et qui m’a apporté beaucoup, dont la découverte de ces chants et autres traditionnalités qu’il a archivés.
On te connaît pour tes collaborations avec DJ Champion, pour le duo Beast… Qu’est-ce que ça fait d’avoir un projet à ton nom?
Je ne sais pas encore, mais c’est bizarre! Je suis une fille d’équipe et même si je le porte toute seule, on est jamais vraiment toute seule. J’ai collaboré avec Jean-François Lemieux qui m’a aidée à relire ces chants d’esclaves. Je suis fière parce que c’est un vieux rêve et les gens l’accueillent super bien.
Justement Betty, tu as déjà présenté ce projet en spectacle. Comment avait-il été accueilli?
Les gens m’ont bien accueillie, justement à cause de mes projets antérieurs. C’était tranquille puisqu’on ne connaît pas ces chansons-là, mais les gens étaient curieux de découvrir ce que ça pouvait donner. On commence à accéder à quelque chose d’un peu plus clair pour les gens parce que l’album est sorti. J’ai juste hâte d’aller le jouer.
Comment fait-on pour interpréter ses textes qui sont assez lourds?
Le travail sur les textes a été très, très long et assez complexe. Il a fallu les sortir d’un slang d’époque qui était comme leur armure parce qu’il y avait des codes dans ces chansons et c’était une façon de se transmettre des messages. Il a fallu retrouver les thèmes, les histoires dans chacune de ces chansons qui sont souvent les mêmes, quitter le sol, s’envoler, quitter cette fatalité qui les dépassait.
Il y a deux compositions originales sur l’album. Comment faire pour qu’elles s’harmonisent avec les chants d’esclaves datant de plus de 100 ans?
Pour How does it feel, je voulais une chanson d’esclavage moderne. J’ai donc demandé à une jeune fille de 20 ans qui écrit très bien. Elle est revenue avec quelque chose de très frais et très vrai. Je n’aurais pas plus écrire mieux puisque j’ai 43 ans alors je n’ai plus cette vision de la jeunesse. Working down, c’est une espèce de berceuse qu’on a imaginée pour eux afin qu’ils s’endorment et qu’ils n’aient plus mal nulle part.
Les dates de tournée de Betty Bonifassi seront annoncées sous peu sur le site Web.
Commentez sur "Change de disque : Rencontre avec Betty Bonifassi"