Les projections à long terme s’avèrent souvent veines dans le monde municipal. Je ne sais pas pour vous, mais ça me fait toujours rire de voir ce qu’on nous prédit. Ou plutôt, à bien y penser, ce n’est pas drôle du tout!
À partir de prédictions, on élabore des prévisions qui supposent des revenus qui, eux, entraînent des demandes qui engendrent à leur tour des dépenses et, quand les dépenses sont engagées, difficile de faire marche arrière. Alors on se retrouve dans le trou et l’on blâme la prédiction initiale… C’est kafkaïen comme le dirait un critique de théâtre du Devoir.
En 1993, durant mes études, j’ai consulté une superbe étude qui datait de 1970. En gros, elle prévoyait que notre ville atteindrait le million d’habitants au seuil de l’an 2000. L’hypothèse était bien documentée et prévoyait des gratte-ciel de 20 étages partout en basse-ville. Le problème, c’est qu’on est encore loin du million même aujourd’hui. Ce document avait servi de base pour construire l’autoroute Dufferin que tout le monde déteste tant. Elle a aussi convaincu les administrations en place de creuser un tunnel qui devait déboucher sur un pont, qui n’a jamais vu le jour de l’autre côté du Cap Diamant. On connaît la suite : on lui cherche toujours une vocation. Cinquante ans après l’étude, un premier immeuble de 20 étages est en train de sortir de terre en basse-ville.
Tout ça pour dire que le projet de Phare de Cominar, même s’il est privé, me semble un brin exagéré. Si je comparais la ville à une forêt, je dirais que c’est plutôt rarissime dans la nature, qu’un séquoia de 200 pieds apparaisse de manière inattendue dans un champ d’épinettes noires de 4 pieds. Le Phare, c’est pareil! Dans la logique urbaine de Québec, il n’y a aucune justification à une excroissance de 65 étages dans un tapis de bâtisses de quatre, cinq ou six étages… Je crois que les édifices de 65 niveaux apparaissent naturellement dans les villes, quand il y en a déjà sept ou huit de 50 étages, ce qui est loin d’être le cas chez nous. On peut brandir toutes les prévisions optimistes du monde, mon petit doigt me dit que la ville ne sera pas rendue là dans dix ans. Un projet comme celui-là risque de faire plus de tort que de bien au marché immobilier.
À quoi s’attendre du futur? À l’inattendu. Partant de là, toutes les prévisions sont relatives et on devrait toujours avoir un certain recul face aux oracles qui prétendent connaître l’avenir et ses secrets.
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