«J’aime bien, chaque fois, faire comme si c’était la dernière fois que je chantais de ma vie». Daniel Lavoie aime son métier d’un amour absolu et s’y donne totalement. Du 11 au 25 août, au Grand Théâtre, il redeviendra Frollo, le prêtre torturé de Notre Dame de Paris. Esmeralda, dont il subit l’envoûtement, est incarnée par Hiba Tawaji, artiste d’origine libanaise et première femme à donner un concert en Arabie Saoudite en 2017.
Par Susy Turcotte
En reprenant le rôle de Frollo 20 ans plus tard, as-tu retrouvé l’émotion première qui t’habitait jadis?
Daniel Lavoie : J’ai même trouvé plus que l’émotion première, car je suis allé plus loin dans le personnage que je ne l’avais été au départ. À l’époque, je ne connaissais rien à la comédie musicale et j’y ai plongé un peu malgré moi. J’avais accepté ce rôle par curiosité. J’ai été emporté dans une tempête incroyable, une hystérie collective qui m’a énormément bouleversé, ainsi que tous ceux qui faisaient partie de ce spectacle. On ne s’attendait jamais au succès remporté par cette œuvre créée par Luc Plamondon et Richard Cocciante; Notre Dame de Paris nous a ouvert les portes du monde. J’y reviens en me sentant beaucoup plus calme, sachant ce que je fais, ayant eu énormément d’années pour y réfléchir. Frollo a pris de la maturité dans mon cœur et dans mon âme et j’arrive à lui donner une dimension qu’il n’avait pas au début.
Le personnage traverse un passage à vide et une suite de déchirements.
D.L. : C’est un travail de concentration. C’est exigeant tous les soirs, techniquement et vocalement. Je dois demeurer vigilant, ne pas laisser tomber mes gardes, jamais, parce qu’il y a toujours des moments dans les chansons qui sont extrêmement difficiles. J’adore me mesurer à un tel défi à chaque représentation. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’aime tellement mon métier.
Ta gestuelle est émouvante dans «Être prêtre et aimer une femme». Tu t’agenouilles.
D.L. : Oui, je m’agenouille à la fin. Je pense que c’est le moment le plus fragile de Frollo. C’est le moment où il s’avoue vaincu, il s’avoue amoureux. Et c’est peut-être le moment où il est le plus touchant.
Quand Frollo chante «L’enfer où tu iras, j’irai aussi/et ce sera mon paradis», on ressent sa vulnérabilité.
D.L. : Frollo vit l’enfer parce qu’il est complètement déchiré par ce coup de foudre qu’il a eu pour une jeune bohémienne. Il est surpris et dérouté, incité à faire des choses qu’il se sentait incapable de faire. Il ne pensait jamais en arriver là.
Les costumes ont connu des métamorphoses.
D.L. : J’ai vraiment un beau costume d’archidiacre, en laine noire, très décoré, avec du blanc, et très «coulant». Mes gestes coulent, des grands gestes amples. Ce vêtement me donne justement la prestance que je n’avais pas avec l’ancienne soutane et ses ailes en cuir.
Que se passe-t-il en toi avant le spectacle, quand tu revêts le costume?
D.L. : J’attends à la dernière minute parce que je sais qu’à la seconde où j’endosse ce costume, je deviens quelqu’un d’autre. J’attends, j’attends, j’attends, et au dernier moment je dis à la costumière : «Va me chercher La Lourde». Ce vêtement doit peser cinq kilos, je sens le poids du personnage qui m’embarque sur les épaules. Puis je peux enfiler la capuche et entrer dans le personnage.
Daniel Lavoie évoque quelques projets à venir qu’il chérit : la réalisation du prochain album de Gilles Vigneault, sa participation à un hommage à Claude Léveillée aux Francofolies, un disque avec La Montagne secrète lié à un conte de Gabrielle Roy, une comédie musicale avec Richard Charest dont il admire le talent d’auteur. Et son album «Mes longs voyages» n’a pas terminé son périple sur cette boule qui roule dans l’infini…
Pour connaître les dates de représentation de Notre-Dame-de-Paris, consultez le site Web du Grand Théâtre.
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