Le 9 mai dernier, en rencontrant Biz et Batlam de Loco Locass, je réalisais à quel point les thèmes abordés dans leur œuvre reviennent dans l’actualité et continuent de polariser. Loco Locass sait allier intime et politique, et surtout susciter la réflexion.
Par Susy Turcotte
Vous avez écrit : «La parole est une sage-femme qui tire des limbes un monde à naître»
Biz : Loco Locass s’est fondé sur le désir de prendre la parole, la prendre, mais aussi de la travailler. On a souvent eu l’idée d’avoir les deux mains dans le langage, pétrir les mots, les tordre, les battre comme un forgeron qui les chauffe pour les étirer. Batlam a déjà dit que le langage, c’est le lieu de toutes les idéologies, c’est le creuset où tout peut être envisagé et réfléchi, des choses les plus ignobles et abjectes jusqu’aux plus magnifiques et transcendantes. Cette idée d’un laboratoire érigé sur la parole, c’est ce qui a traversé notre travail depuis exactement 20 ans.
Batlam : En écrivant des textes, j’ai toujours voulu que la fragilité soit là. Ce que j’espère et espérerai toujours, c’est de créer des textes où politique et intimité puissent cohabiter. Ce sont des vases communicants. On est modelés par la société dans laquelle on vit, et l’inverse est vrai.
Dans «Occupation double», vous avez intégré la parole de Dédé Fortin. Sa pièce «La comète» demeure actuelle.
Biz : Dédé avait lancé son album «Atrocetomique» le 30 octobre 1995, soir du référendum sur la souveraineté. C’est comme s’il avait dit : «Moi, mon destin, je le fais coïncider avec celui du Québec», comme s’il avait décidé de se greffer au Québec, mais personnellement. Nous avons rencontré Dédé en 2000 lors d’un spectacle-bénéfice alors que notre carrière s’amorçait. On ne le savait pas, mais c’était deux mois avant qu’il meure. Il avait livré une prestation impériale, magistrale. Je me souviens qu’il avait cassé une corde de guitare et l’avait changée en parlant comme un vieil acrobate conscient de son métier. Je l’avais rencontré dans les loges puis j’avais eu la chance de lui dire «Merci beaucoup pour tout ce que tu fais». C’est maintenant que je réalise la filiation entre Loco Locass et Les Colocs. Colocs c’est Loco à l’envers. Ce que Dédé voulait, ce qu’il faisait, vers où il allait, inconsciemment on a ramassé ça, souhaitant le perpétuer.
Batlam : Je trouve que la filiation peut se retrouver chez plein de bands québécois. Tellement d’artistes sont nés et de Leloup et des Colocs qui sont les deux faces des années 90 de la chanson.
Quel sens prend votre présence au Festival de la chanson de Tadoussac le 27 juin prochain?
Biz : Ce sont les 20 ans de Loco Locass, de notre album Manifestif. C’est une occasion de bilan et de perspective d’avenir. On va puiser dans tous nos albums. Tadoussac est le site originel de la Grande Tabagie de Champlain puis de son alliance avec les Amérindiens. Il va de soi qu’on chantera «La Paix des Braves». Le site est extraordinaire. C’est tout juste après la Saint-Jean, c’est déjà annoncé comme un grand moment,
Pour des informations sur le passage de Loco Locass au Festival de la chanson de Tadoussac, visitez le site Web de l’événement.
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