Le président de l’Ordre des urbanistes du Québec, Sylvain Gariépy, s’est exprimé à la suite des inondations printanières en affirmant que l’Ordre entendait désormais «jouer son rôle».
J’applaudis à deux mains. Trois, si j’en avais une autre.
Il souligne, à juste titre, que ces événements mettent en lumière les «limites de nos outils de gestion [du territoire et une] méconnaissance de nos propres milieux de vie». Il évoque aussi un manque de vision collective. Ce qui nous amène à parler de politique. Oui, car il aborde la dépolitisation des débats en disant que l’Ordre s’engage à «désormais sonner l’alarme lorsqu’une décision urbanistique va à l’encontre des bonnes pratiques».
Comment cela se marie-t-il (ou pas) avec la sphère politique?
Les urbanistes municipaux vous le diront (pas publiquement) : c’est pas toujours (dans certains cas jamais) évident.
Le politicien (avec raison) fait valoir la volonté démocratique pour orienter le développement de sa ville. Sauf que, dans certains cas, on peut parler d’incompétence ou (hé oui, on l’a vu) de mauvaise foi.
Quand l’élu a une sensibilité et des connaissances en aménagement du territoire, il y a une saine collaboration qui s’installera sûrement entre eux. L’urbaniste avancera les bonnes pratiques que l’élu connaîtra probablement beaucoup ou en partie. Ici, la volonté populaire parle dans un cadre rigoureux et bien inspiré. Tout va bien.
Là où ça se gâte, c’est quand un élu n’a aucune espèce d’idée de ce qu’il (ou elle) fait, s’exposant ainsi (pas toujours) à des influences plus ou moins constructives. «Ce promoteur m’a dit que c’était une ben bonne idée!»
Oui, mais non.
On entendra alors l’urbaniste grincer des dents en se disant : «mais qui lui a mis cette idée de m… dans la tête?»
Un milieu humide retarde le «développement économique»? Peut-être. Mais, parfois, c’est mieux d’oublier l’idée de planter un concessionnaire auto à cet endroit, même si ça a l’air que c’est «fullbon pour le développement économique».
Il arrive que ce ne soit pas du tout le cas. C’est payant pour le promoteur, mais ça peut être un projet nul sur le plan de l’aménagement efficace du territoire. Alors, il faut savoir dire non. Ou l’inviter à s’installer ailleurs, si le projet a réellement un intérêt.
Il arrive que l’élu soit accroché à des ficelles tirées par des gens aux intérêts économiques évidents. Ici, même contesté, le politicien répondra que, par lui, s’exprime la démocratie puisqu’il a été élu.
Ouais.
Les électeurs confient le pouvoir à des élus et peuvent présumer qu’en toutes circonstances, c’est l’intérêt public qui primera. Ça ne veut pas dire que le profit privé n’est pas souhaitable. Ça veut simplement dire que la règle d’or, c’est l’intérêt public, le bien-être des citoyens, le plus largement possible.
Développer l’économie est complexe, quoi qu’on en dise. Il ne suffit pas de dire «abolissons les règles et laissons les gens d’affaires aller» pour faire du développement économique responsable, cohérent et intelligent. Il faut de la vision d’ensemble, agir avec doigté et sagesse, faire preuve de jugement.
Pas donné à tous.
Dans ces cas, si les urbanistes sonnent des cloches, c’est tant mieux. Mais si la majorité a parlé et veut qu’on réalise un projet totalement inapproprié… que faire?
En fait, si un élu se laisse endormir par un projet fou, c’est qu’il a soit, un, mal communiqué les tenants et aboutissants du projet ou, deux, qu’il est malhonnête intellectuellement (et moralement douteux). Or, le sens des responsabilités et l’intérêt commun commandent de respecter le bon sens et non pas les calculs politiques à courte vue.Une politique nationale de l’aménagement du territoire? Oui, mets-en. Pourvu que ça ne signifie pas une liste de passe-droits permettant aux p’tits amis de s’en mettre plein les poches…
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