À la blague, je dis souvent à ceux qui travaillent au journal que nous serons peut-être les derniers à survivre dans le monde tourmenté des médias. À voir comment se déroulent les évènements, qui sait, j’aurai peut-être raison…
Le Carrefour, c’est un peu mon bébé et j’imagine qu’à moins d’être drôlement bizarre, on aime toujours ses enfants, qu’ils soient en chairs et en os ou virtuels. À leur naissance, on espère bien sûr de grandes choses pour eux. Puis, la vie fait en sorte qu’on découvre leurs limites, qui sont aussi souvent les nôtres et l’on espère pour le mieux. Je crois qu’on est toujours fiers de ses rejetons d’une façon ou d’une autre. Alors moi, je suis fier de ce qu’est devenu mon bébé, Le Carrefour de Québec.
Durant les derniers 25 ans, le journal a vécu toutes sortes de situations et surmonté beaucoup d’obstacles. Pendant un bout de temps, il a eu 14 employés. Ce n’est pas rien. Plus récemment, un ouragan nommé Internet s’est levé et les conditions se sont détériorées. Nous n’avons pas vraiment eu le choix et l’entreprise a dû se diversifier pour survivre. Le Carrefour est maintenant passé d’un journal de quartier à une évolutive entreprise médiatique difficile à définir. Il s’est adapté. Nous réalisons maintenant toutes sortes de mandats en matière de rédaction, de graphisme et de publicité. Nous avons développé de solides relations avec la FADOQ (fédération de l’âge d’or de la région de Québec-Chaudière Appalaches) ainsi qu’avec le journal Le Monde Forestier. Sans ces deux solides partenaires, le journal que vous lisez n’existerait peut-être plus. L’entreprise a réduit sa taille, mais elle est toujours là. Nous réalisons toujours le journal, mais nous faisons aussi un paquet d’autres choses. Certes, nous le publions moins souvent qu’avant, mais il est toujours là et je ne vois pas pourquoi il n’y serait plus dans un futur proche.
Aujourd’hui, nous sommes 7 à y œuvrer et ce qui me rend particulièrement fier, c’est que Le Carrefour n’a jamais reçu aucune aide ni subvention de qui que ce soit, à part des clients annonceurs qui l’ont toujours soutenu et que nous remercions infiniment.
Nous avons vu beaucoup de compétiteurs plus gros que nous vaciller dans les dernières années. Je n’aurais pas cru que nous publierions plus longtemps que Le Journal Voir, par exemple. Je croyais cette entreprise beaucoup plus solide que nous, la situation présente du Journal Le Soleil apparaît aussi inquiétante.
En fait, je dirais même que, plus j’observe le domaine des médias, plus je m’aperçois que la solidité s’avère souvent un handicap. Il semblerait, selon ce que je constate, que trop de solidité nuise au changement. Alors qui sait, c’est probablement une bonne chose que d’être un petit média?
Notre situation me rappelle toujours cette fable de La Fontaine : le chêne et le roseau. Selon cette histoire, quand les conditions sont bonnes, les grands arbres apparaissent indéracinables et les roseaux qui les voisinent bien fragiles. Quand la tempête se lève et qu’elle est violente, comme c’est le cas présentement, les grands chênes perdent des branches et sont même parfois déracinés, emportés par la bourrasque.
Le roseau, quoique fragile, est plus souple et plie sous la force du vent. Une fois le mauvais temps passé, le roseau n’est pas plus solide qu’il était, mais il est encore là, un peu comme Le Carrefour. Certes, nul ne sait ce que l’avenir nous réserve et nous ne sommes pas à l’abri de prendre de mauvaises décisions. Une chose est sûre. Les artisans du journal que vous tenez ont de bonnes chances d’être fidèles au poste encore un bout de temps. Je les en remercie.
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