Guy Bélanger est au service du Blues depuis les 45 dernières années de sa vie. « Eldorado », son récent album, s’inscrit dans cette quête perpétuelle de raconter son passage ici. La route lui offre l’opportunité de créer des voyages réels ou imaginaires.
Par Susy Turcotte
«Traces and Scars», il y a deux ans, teinté par la mélancolie et le deuil, s’est finalement révélé comme un album porteur de lumière et transcendant les souffrances exposées.
Guy Bélanger : C’était lumineux et ça me ressemblait. « Eldorado » reflète le plaisir de jouer à nouveau de l’harmonica, d’y aller à fond. À travers le processus de création, je me demandais ce que j’avais de neuf à apporter à mon métier, à mon instrument et à mon public.
On entre dans l’album avec «Carving the Wind». Cette image de «sculpter le vent» qualifie bien ton travail d’harmoniciste.
G.B. : Quand je joue, l’instrument est placé à même le souffle, entre la tête et le coeur. L’aspect technique est présent, mais aussi l’apport émotionnel. L’harmonica porte beaucoup d’émotion, mais il faut savoir s’en servir à bon escient, car sinon, ça peut devenir sirupeux ou on peut tomber dans le piège de la caricature. Je tente d’offrir avec mon harmonica des sonorités auxquelles on ne s’attend pas. Je sculpte le vent.
On reconnaît ta signature unique. Vulnérabilité et délicatesse s’entrecroisent.
G.B. : Je dis souvent que je n’ai pas appris en écoutant d’autres harmonicistes, mais en écoutant Bob Walsh. Il chantait une phrase et je la répétais à l’harmonica. Donc, ça me donnait une autre façon de parler, de faire parler l’harmonica plutôt que de me mouler aux standards habituels liés à cet instrument. J’ai forgé mon style en sachant interagir avec la voix, avec un guitariste ou avec un pianiste.
«Hope and Faith» te ramène à un souvenir bouleversant. Tu participais au Festival Blues sur Seine, en novembre 2015, trois jours après les attentats au Bataclan de Paris. De jeunes harmonicistes avaient prévu te faire une surprise en interprétant quelques courtes pièces pour ouvrir ton spectacle et ont failli y renoncer, habités par la peur que suscitait le contexte.
G.B. : Je voulais exprimer ce désir d’avoir la foi en ce qu’on aime et de ressentir l’espoir malgré tout. Quand j’ai composé cette pièce en deux mouvements, j’ai retrouvé cette photo sur laquelle j’apparais avec les jeunes harmonicistes âgés de 6 à 11 ans. On soulève tous l’harmonica vers le ciel, comme une arme. Ces enfants m’ont offert le plus beau des cadeaux en faisant un pied de nez aux briseurs de rêves.
Dans ta présentation de «Hummin’», tu évoques le droit de s’approprier une musique et ses racines, et ce, quelle que soit notre origine. Tu imagines même les Muddy Waters, John Lee Hooker, Big Mama Thornton, etc. venir t’encourager à demeurer ancré à cette vocation.
G.B. : Je désirais leur rendre hommage. J’imagine qu’ils me visitent dans mon sommeil et me disent « You’ve paid your dues to play the Blues ».
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