Jetons un œil à la réorganisation policière à Québec.
C’est un projet à plusieurs volets : d’abord, le remplacement de la centrale du parc Victoria par un édifice tout neuf, coin Laurentienne et Louis XIV, pour novembre 2023. Coût : 102 millions $.
Puis, la construction d’un nouveau poste de police (incluant la cour municipale) dans l’édifice F.X.-Drolet, dans le quartier Saint-Roch. Les travaux sont reportés à avril 2022. Le projet était passé de 21 à 22 millions… mais ce sera encore plus.
C’est que la Ville a été forcée de revoir les plans et devis pour tenir compte des exigences de décontamination du ministère de l’Environnement (excaver davantage de sols contaminés de l’ancienne fonderie, installation de membranes et de systèmes de ventilation…). Des mois de discussion viennent d’y passer.
Ce poste de quartier s’inscrit dans une vaste réorganisation du Service de police visant à mieux déployer le personnel sur le territoire pour répondre plus efficacement aux besoins pendant les périodes les plus chargées.
Une nouvelle configuration « mûrement réfléchie », nous disait le maire Labeaume.
On est donc à 102 + 22, donc 124 millions $, sans compter ce qui doit être ajouté au poste du quartier St-Roch, dans une interminable saga qui se poursuit : en 2016, on parlait de 40 millions $ pour le projet global.
On a mûrement réfléchi, mais trop vite…
Il y a notamment eu cette mauvaise communication entre le Service de police et celui de la gestion des immeubles qui a conduit à une évaluation erronée : des coûts estimés pour des « édifices à bureaux » et non pas pour des bâtiments de sécurité dont les critères sont plus exigeants et coûteux. On a donc sous-évalué le projet en parlant de 40 millions. C’était plutôt 72 millions. Une augmentation de… 80 %.
Le maire a admis qu’ils avaient des espoirs exagérés.
Certes.
Ils ont fait ça, dit-il, sans parler à la police et aux gens concernés.
Puis, le premier terrain visé (coin Pierre-Bertrand et des Rocailles) pour cette « configuration mûrement réfléchie » était trop petit. On s’est donc déplacé vers le secteur Louis XIV-Laurentienne.
Bien que « mûrement réfléchi », on a par la suite appris (octobre 2019) que la lenteur de la réponse du ministère de l’Environnement était en fait attribuable… à la Ville qui n’avait pas demandé de permis pour décontaminer.
Qui plus est, le dossier avait été fermé en janvier 2019, parce que la Ville s’est montrée incapable de fournir les documents exigés par le ministère. La demande datait de septembre 2017. C’est 15 mois plus tard, tout ça…
Pendant ce temps, on n’a pas pu fermer les postes de Charlesbourg et de la Haute-Saint-Charles (pour les utiliser désormais comme bureaux administratifs du Service de police). Ça viendra plus tard.
Alors?
Il est vrai que le ministère de l’Environnement donne parfois l’impression de mettre du bois (écolo) dans les roues des villes. Il donne aussi souvent l’impression de fonctionner à sa propre vitesse (plus lente) que ce que l’on souhaite. Mais ici, plutôt que de blâmer l’approche du ministère, j’aurais tendance à prêcher pour qu’on augmente son effectif : les dossiers se règleront plus vite s’il dispose du personnel nécessaire pour traiter les demandes. Surtout quand c’est pour dire oui (ou exiger de légères corrections) en bout de piste, on perd du temps pour rien.
En revanche, il faut se rendre à l’évidence : ici, c’est l’empressement de la Ville qui pose problème. On peut imaginer que le maire souhaite tellement pouvoir classer ce dossier dans la filière « réalisée » que la pression puisse être énorme. Gigantesque. Il faut aller vite, ne pas niaiser, ne pas « tataouiner »…
Alors, on fait ça entre nous, on se dit qu’on sait comment ça marche, alors on fonce… dans le mur.
Parce qu’un projet aussi gros, aussi important, avec un impact aussi concret sur la vie des gens (temps de réponse et efficacité de la couverture policière) mérite qu’on respire par le nez et qu’on fasse les choses dans l’ordre. Avec soin. Sans sauter d’étapes.
Un projet de la sorte mérite que ce soit « mûrement réfléchi ». Pour vrai.
Pas un truc fait à la va-vite.
Et souvent, quand ça dépasse, c’est parce qu’on s’est un peu dépêché. Parce qu’on a cédé à la pression politique. Parce qu’on s’est cru plus fin que les autres dont l’avis aurait dû compter. Alors, on s’est trompé.
Ça fait réfléchir…
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