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La question à 775 millions $

David LemelinDavid Lemelin (Photo : Archives Carrefour de Québec)

Faut-il rejeter le projet de terminal de conteneurs Laurentia?

Faut-il tourner le dos au potentiel économique d’un projet à 775 millions $?

Faire semblant que la valeur économique d’un projet peut être balayée du revers de la main est, au mieux, naïf. Car, indéniablement, le développement économique conduit à des avancées (techniques, technologiques, scientifiques, etc.) et permet à nos sociétés d’améliorer les conditions des gens. De manière générale.

En effet, on vit plus vieux et mieux qu’il y a 150 ans, la médecine et la science ont fait des bonds prodigieux, nous disposons d’outils performants et nos milieux de vie sont de mieux en mieux conçus. 

Néanmoins, il y a un fragile équilibre à maintenir, un équilibre dont on ne souciait guère, il n’y a pas si longtemps. C’était l’économie d’abord et le reste ensuite… quand on ne l’oubliait pas, carrément.

C’est le débat le plus fréquent qui ne sera jamais parfaitement tranché : environnement ou économie? Chaque fois, le même dilemme, mais de plus en plus, les réponses diffèrent. 

Il fut un temps où l’environnement ne pesait pas lourd, pas davantage que la santé publique. Dans l’Angleterre industrielle, les enfants qui mourraient à la tâche n’étaient que des dommages (légers) collatéraux consacrés à des intérêts supérieurs, ceux du saint développement économique, qu’on pouvait traduire par l’enrichissement débridé d’une infime minorité. 

Les temps changent, heureusement.

Le saint développement économique laisse de plus en plus de place au sain développement durable, qui prône un développement soucieux du futur et respectueux des humains et de la planète. Le réflexe est encore fortement présent (choisir l’économie au détriment de l’environnement et de la santé publique), mais la science économique rattrape tranquillement son retard, au point où chiffrer les pertes économiques du saccage de l’environnement ou de la santé est désormais fréquent. On accorde aujourd’hui à la nature une valeur économique qu’elle n’avait pas autrefois. On sait que les ressources planétaires s’épuisent et qu’il n’y aura pas de deuxième chance. Pas de ressource, pas d’économie.

C’est peut-être dénaturer le sens même de l’environnement que de le percevoir par la lunette du développement économique. En réalité, cette lunette a au moins la vertu d’attirer l’attention de ceux qui ne quittent jamais le PIB des yeux. Il faut alors s’en servir, au mieux, à la faveur de valeurs qui nous sont chères.

Le dilemme économie/environnement ne se dissipera jamais. En revanche, on comprend mieux aujourd’hui qu’une communauté dont les parcs et les rues ne rendent pas les gens malades, où l’air est respirable, a un prix. La quiétude des résidents a un prix. Le bruit, le trafic, la pollution coûte quelque chose. Les habitats naturels ont aussi une valeur. Est-ce que les avantages dépassent les inconvénients? Souvent, oui.

Mais, dans la balance, quand on compare ce que rapporteront des citoyens heureux, en santé, qui viennent de plus en plus nombreux habiter Québec dans un environnement sain (milieu marin inclus) aux revenus du projet… la « note de passage » n’est pas atteinte.

Heureusement, on calcule beaucoup plus judicieusement aujourd’hui ce que ces choix nous coûtent.

Et on conclut que Laurentia ne passe pas.

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