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Les mille et une nuits de Sonny Maheux

Sonny MaheuxLe disquaire Sonny Maheux au comptoir de son magasin. Photo : Gabriel Côté

Saint-Jean-Baptiste — Le disquaire d’occasion Musique chez Sonny est considéré par les mélomanes comme une véritable caverne d’Ali Baba. Dans ce petit local aux murs jaunis et craquelés par le temps, on trouve des trésors de toutes les sortes et de tous les âges. Alors que la boutique a près de trente ans, le propriétaire Sonny Maheux se souvient des moments qui ont marqué son histoire.

« On a ouvert en décembre 1992, relate-t-il. C’est une amie qui m’avait parlé du local pendant que je m’achetais une chemise à deux portes d’ici, sur la rue Saint-Jean. Je lui ai dit que c’était bien beau, mais que je n’avais pas d’argent. Elle m’a répondu : ‘’non, mais tu as des disques par exemple’’. Ça a suffi pour me convaincre. J’ai appelé mes parents, ils m’ont prêté l’argent nécessaire pour payer deux mois de loyer, et je me suis lancé en affaires avec ma collection personnelle de 2800 vinyles. »

La grande histoire d’un petit local

« Vinyl », un autre disquaire, avait occupé le local de 1982 à 1992. Ce magasin très populaire se spécialisait dans les raretés et les disques d’importation. 

« C’était un endroit pour la scène alternative de l’époque, déclare le propriétaire de l’ancien magasin, Bruno Tanguay. Bob Walsh venait acheter ses disques ici, les gars de Bérurier Noir aussi. »

Mais en 1992, de malheureux événements conduisent à la fermeture définitive du magasin. « C’était une opportunité comme on n’en voit pas souvent, soutient Sonny Maheux. En reprenant le local, on reprenait aussi la clientèle qui était habituée d’aller acheter sa musique à cet endroit. »   

Les lieux étaient dans un état lamentable, et le nouveau disquaire dut consacrer trois jours et trois nuits entières à faire du ménage et de petits travaux avant de pouvoir accueillir des clients. Depuis, l’endroit n’a presque pas changé.

« Je n’enlève pas les affiches sur les murs car j’aurais peur de découvrir ce qui se cache derrière, plaisante-t-il. Surtout, c’est qu’il me semble inapproprié de vendre des disques d’occasion sur des présentoirs flambant neufs. Et comme ça, la salle a un certain charme. » 

Sauter sur l’occasion

En 28 ans, Musique chez Sonny n’a jamais considéré vendre autre chose que des vinyles, des disques et des cassettes usagées. Ce n’est pas toutefois que l’occasion de vendre du neuf ne se soit jamais présentée. Avant d’avoir son propre commerce, Sonny Maheux avait travaillé pendant 10 ans comme acheteur chez Musique d’Auteuil, qui devint éventuellement le magasin Archambault de la rue Saint-Jean. Il avait donc des contacts dans l’industrie. 

« Des représentants des grandes compagnies venaient me visiter et me montrer leur catalogue. Je leur ai toujours dit ‘’non merci’’. Je ne voulais pas jouer sur le même terrain que le Archambault : je me serais fait écraser. Alors ces gens venaient tout de même me donner de temps en temps des boîtes ‘’promo’’ en secret. Depuis toujours, j’ai été vraiment chanceux d’être supporté par toutes sortes de monde », songe le disquaire.   

Les défis de l’époque

Malgré l’effervescence du commerce de disques usagés en ligne, Musique chez Sonny ne vend sa marchandise qu’en magasin. Ce qui semblerait une mauvaise décision du point de vue des affaires n’en est pas une selon le charismatique propriétaire.

« On a essayé la vente en ligne pendant quelques années. On faisait des profits impressionnants. Par exemple, du moment qu’il y avait une image de guitare classique sur la fiche d’un produit sur eBay, on pouvait le vendre plusieurs centaines de dollars en Asie, va savoir pourquoi », s’étonne-t-il. 

Par contrecoup, les avantages pécuniaires s’accompagnaient d’une perte d’un autre ordre. « Les gens commençaient à déserter le magasin, confie le disquaire. Des clients de longue date déploraient le fait qu’on vendait tout notre beau stock en ligne. Alors j’y ai bien pensé, et j’ai décidé d’arrêter tout ça. Peu à peu les clients sont revenus, et en rétrospective, je crois qu’on a fait le bon choix. La compétition est de plus en plus forte sur le web, où les gens cherchent la meilleure offre et ne reviennent pas nécessairement acheter chez vous-même s’ils sont satisfaits du service qu’ils ont reçu. Alors mieux vaut avoir une clientèle fidèle, qui continue de passer nous voir en personne et avec qui se développe une relation de confiance de respect. » 


Le disquaire Sonny Maheux répond aux questions du Carrefour

Qu’est-ce qui est le plus recherché à Québec? 

Le punk, le rock, le métal, on s’en fait beaucoup demander. On dit n’est-ce pas que Québec est une ville de « cheveux ». 

Le magasin se spécialise-t-il dans un style de musique en particulier?

Non, nous tenons de tout. De la pop, du classique, du punk, du jazz, de l’électro, de la chanson française, de la musique du monde. Nous ne voulons pas se spécialiser, car nous aimons tous les genres de musique, et nous voulons que tout le monde se sente chez soi en entrant chez nous. 

Quel artiste a changé votre vie?

Les Beatles. Je me souviens de leur passage au Ed Sullivan Show, en 1964. Mes parents voulaient m’interdire de regarder l’émission, alors j’ai dû m’enfermer avec une télévision pour le faire. J’ai eu l’impression de rejoindre une deuxième famille à ce moment. D’ailleurs, c’était comme ça pour pas mal de monde.

Considérez-vous votre métier de disquaire comme une vocation?

Non. J’ai fait plusieurs choses avant de vendre des disques, et cette voie ne s’est pas du tout présentée à moi immédiatement. J’ai étudié la musique, la littérature, la traduction. J’ai enseigné à l’école secondaire en 1972-1973. Comme traducteur, j’ai travaillé sur un très bel ouvrage de plomberie, ce qui ne me ressemble pas tellement. J’ai pour mon dire qu’il faut faire ce qu’on a envie de faire. Au magasin ici, j’ai toujours fait ce que j’ai voulu… et ça a fonctionné ! Quand j’aurai le cœur à faire autre chose, je ferai autre chose.  

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