Une tâche difficile attend Régis Labeaume à son arrivée au pouvoir. En janvier 2008, il lui incombe d’organiser les fêtes du 400e anniversaire de Québec. Très rapidement, c’est connu, il réalise que ce dossier a besoin d’un bon coup de barre. On peut dire qu’il est minuit moins une.
Par Gabriel Côté
« Disons que ce qui était prévu par l’administration précédente n’avait rien à voir avec les célébrations qui ont été organisées par M. le maire », dit la conseillère Suzanne Verreault, d’un ton qui laisse entendre qu’on est passé près d’une catastrophe.
« Sans Régis, on se serait peut-être contentés de couper et de distribuer des parts de gâteau devant l’Hôtel de Ville », renchérit Yvon Bussières, moqueur.
La capitale du marasme
Cela peut sembler lointain, mais il n’y a pas si longtemps, l’air était bien moribond dans la Vieille-Capitale.
Bien sûr, c’est dû en partie au caractère des gens de Québec, toujours prompts à une autocritique excessive, – ou comme le veut l’expression : « à chier dans le panier avant de se le mettre sur la tête ». C’est presque l’âme de la ville, et ça ne date pas d’hier. Déjà en 1874, Arthur Buies, un de nos premiers grands journalistes, écrivait : « La nature ayant fait de Québec un roc, ses habitants l’ont creusé et en ont fait un trou. »
On pourrait dire qu’il y avait en plus, au début des années 2000, des circonstances aggravantes. L’économie battait de l’aile, plusieurs ne s’étaient toujours pas remis de la vente des Nordiques, on n’avait pas réussi à obtenir les jeux olympiques. Les enfants des quartiers centraux n’avaient même presque nulle part où aller jouer.
« Pour ne donner qu’un exemple, Jean-Paul L’Allier avait fait raser l’aréna dans Saint-Roch, se souvient Suzanne Verreault, qui était alors agente administrative à l’Hôtel de Ville. Il avait sans doute des raisons de le faire, mais ce qui est significatif, c’est surtout qu’il n’en a pas reconstruit par après. »
« Il y avait quelque chose de profondément triste à Québec, c’était comme dans l’air », ajoute Julie Lemieux, présidente d’Opération enfant Soleil et qui a été journaliste à Québec pendant 13 ans, avant d’être élue avec l’Équipe Labeaume à l’élection de 2009.
Ce qui a fait tourner le vent
Pendant ce temps toutefois, des changements s’opéraient discrètement.
« La vie démocratique à Québec a connu un essor phénoménal sous la gouverne de Jean-Paul L’Allier entre 1989 et 2005, explique Yvon Bussières. C’est lui qui notamment a mis sur pied les conseils de quartier, et qui est véritablement parvenu à intéresser les citoyens à e qui se passait dans leur ville. Et si je peux en ajouter, je dirais que le passage de Mme Boucher à la mairie a vraiment permis d’ordonner les finances de la ville. C’était une femme austère qui ne dépensait pas une cenne pour rien. Alors, quand Régis Labeaume est devenu maire, la ville était en bonne santé, au plan économique et au plan démocratique. Lui qui aime les gros projets, ça lui a permis d’avoir les moyens de ses ambitions. On dit souvent qu’il était l’homme de la situation, mais on doit aussi reconnaître qu’il est vraiment arrivé dans des circonstances qui lui étaient favorables. Il a le mérite d’en avoir tiré le maximum. »
La fierté retrouvée
Le 400e anniversaire de la ville de Québec a donné le sentiment aux gens de Québec, pour la première fois peut-être depuis les célébrations du tricentenaire (auxquelles on doit le parc des plaines d’Abraham), que leur ville a quelque chose à offrir.
« C’est comme si le voile de tristesse qui dominait tous les esprits avait été levé soudainement », se rappelle Julie Lemieux.
Tout ce qui touchait Labeaume se transformait en or. C’est lorsque Régis Labeaume a nommé Daniel Gélinas à la tête de l’organisation du 400e que la fête a réellement pris son envol. Les championnats du monde de hockey junior est un succès retentissant (malgré la défaite crève-cœur du Canada en finale). La promenade Samuel-de-Champlain, inaugurée le 24 juin 2008, a redonné un accès au fleuve aux gens de Québec. Les touristes affluent en ville, les commerçants et les hôteliers prospèrent. Le Moulin à images enchante les Québécois.
Bref, en 2008, y’en n’a pas de problème : « Québec est sur la map », et tout le monde est fier de sa ville et de son maire.
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Il est difficile de parler des jours heureux. Lorsqu’on y est, on n’a pas envie de le faire, la tête échauffée par les circonstances. Lorsqu’on n’y est plus – et qu’on a comme on dit la « tête froide » – on croit certes voir plus clair. Mais cette lucidité nouvelle est trompeuse : c’est une sorte d’excès de froideur qui prétend compenser la plénitude chaleureuse des instants de joie.
L’aménagement de la Promenade Samuel de Champlain était terminé lorsque M.Labeaume a été élu à l’automne 2007; ce n’est donc pas un legs de son administration (mais plutôt de la CMQ).
J’appuie. J’étais à l’inauguration officielle; je n’ai jamais plus été aussi près de « Je suis prêt ! »