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Le gars de la librairie Saint-Jean-Baptiste

Librairie Saint-Jean-BaptisteLe librairie David Mordret s'affaire derrière le comptoir de la librairie Saint-Jean-Baptiste. Photo : Le Carrefour

La librairie Saint-Jean-Baptiste est comme on les faisait autrefois. C’est une librairie sans compromis et sans prétention, pour la littérature et rien d’autre.

Par Georges-Albert Beaudry

« Il y a assez de bons livres, alors nul besoin d’en vendre des mauvais », lance le libraire David Mordret.

Celui que plusieurs surnomment pragmatiquement le gars de la librairie honore sa profession depuis une quinzaine d’années. « Auparavant, j’avais de petits boulots que je n’aimais pas. J’ai travaillé longtemps comme serveur. J’aurais voulu devenir professeur d’histoire ou de littérature, mais j’avais le syndrome de l’imposteur. Comme j’aimais les livres et que j’étais en mesure d’opérer une caisse enregistreuse et un fusil à pricetag, je suis devenu libraire », relate-t-il d’une voix grave oscillant entre le sérieux et l’ironie. 

David Mordret a alors ouvert sa librairie dans un premier local au 837, rue Saint-Jean, aujourd’hui occupé par le restaurant Yuzu. 

« Je me suis procuré une grande quantité de livre en faisant l’acquisition d’un fond de librairie, se souvient-il. J’ai évidemment dû trier le bon grain de l’ivraie. Puis, peu de temps après l’ouverture, des gens ont commencé à venir discuter dans mon local. On s’est senti à l’étroit, alors on a déménagé ici. »  

Le local actuel comprend un grand comptoir où l’on sert du café et de la bière. Entourées par des bibliothèques qui couvrent l’ensemble des murs, des tables et des chaises meublent la pièce un peu sombre. À l’arrière se trouve un bien modeste piano, qui ajoute au charme certain de cette librairie.

« C’est un lieu de rencontre et d’échange », dit Karen, une infirmière qui fréquente la librairie Saint-Jean-Baptiste depuis une dizaine d’années. « On se plait ici parce qu’on peut tout dire, il n’y a pas de tabous. Parfois, le ton monte et les esprits s’échauffent, mais cela se fait sans animosité. »

Transmettre le goût de la lecture

Karen ajoute que si elle continue d’aller plusieurs fois par semaine à la librairie, c’est en grande partie en raison de la présence de David.

« Avant de le connaître, je ne lisais pas du tout. C’est lui qui m’a donné envie de lire, et je crois que c’est en cela que réside sa force : il fait aimer la lecture. »

Et les procédés par lesquels le libraire s’y prend sont pour le moins inhabituels. « Il m’a dit que je n’avais pas le droit de vivre si je n’avais pas lu Stefan Zweig, relate l’infirmière. Moi, je voulais avoir le droit de vivre, alors je l’ai lu. Ça m’a ouvert de nouveaux horizons, car Zweig est lui-même un lecteur. Puis David m’a suggéré Érasme, Balzac, Jack London, Joseph Kessel. Puis je n’ai jamais arrêté de lire. »

Un autre client de la librairie en rajoute. « David, c’est un gars sarcastique, généreux, et authentique. Il va jaser avec toi quelques minutes, puis il va comprendre un peu qui tu es. Là, si tu veux, il va te suggérer un livre, et ça se pourrait bien que ça tombe dans tes cordes. » 

Le rôle du libraire

David Mordret considère que c’est sa responsabilité de lire les ouvrages qui sont sur ses rayons, et de les faire lire à son tour. 

« La mission du libraire, c’est en quelque sorte de corrompre ceux qui viennent lui demander conseil, explique-t-il. Ce n’est pas que la lecture nous fait passer d’un état de pureté à un autre qui le serait moins. Mais pour le dire crument, je crois qu’elle nous permet de sortir d’un certain enfermement psychiatrique dans lequel on est contraint, notamment par les médias. En démocratie, il est important pour le législateur de fabriquer le consensus. Or, la lecture élargit le champ de la conscience, elle permet de retrouver une beauté perdue, et aussi de développer l’empathie. C’est dans ce sens là qu’il s’agit d’une corruption : les livres insinuent chez le lecteur l’idée d’un monde possible différent de celui qui lui est pour ainsi dire imposé. »

Pour ces raisons, le gars de la librairie fait valoir que la littérature est essentiellement subversive. « Je suis content de vendre des livres séditieux, surtout à une époque où l’on bascule dangereusement dans le totalitarisme. Si les autorités chiliennes avaient disposé des systèmes de surveillance qu’on a aujourd’hui, il y aurait eu beaucoup plus que 70 000 morts. »

Pendant la conversation, les petits haut-parleurs de la librairie soufflaient une après l’autre les chansons du disque Les derniers humains de Richard Desjardins (1988). Au moment où le libraire s’arrêta de parler, on put entendre ce petit couplet de la pièce « The Ballad of the Millwheel » :

Many are different masters
who have ruled us in their day
eagles, hyenas and tigers
even swine have had their say. of its brother
Do you understand what’s here intended?
We don’t need no masters
we want all mastery ended.


Coordonnées

Librairie Saint-Jean-Baptiste
565, rue Saint-Jean, Québec, QC G1R 1P5
581-999-0951

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