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Thierry Sterckeman remporte le prix d’excellence en lutherie

Le luthier Thierry Sterckeman et le Semuta, son dernier violonLe luthier Thierry Sterckeman et le Semuta, son dernier violon. Photo : Gabriel Côté

À l’occasion de la soirée de clôture de la vitrine virtuelle de l’École nationale de lutherie (ENL) le 20 juin dernier, Thierry Sterckeman a été récompensé pour son tout dernier violon, qui lui a valu un prix d’excellence.

Par Gabriel Côté

Il s’agit d’un violon qui sort de l’ordinaire, tant d’un point de vue esthétique qu’en ce qui concerne le choix des matériaux.

Conçu et fabriqué dans le cadre du cours d’instrument contemporain à l’ENL, ce violon se démarque par l’utilisation de lignes brisées dans la forme de caisse et dans la volute, alors que nous sommes plutôt habitués à des formes arrondies. Qui plus est, le jeune luthier a fait preuve d’audace en utilisant du koa, une essence de bois peu commune, pour le dos, le manche et les éclisses.

« Je l’ai baptisé le Semuta, dit Thierry Sterckeman. Ce nom provient du roman Dune de Frank Herbert, qui décrit la Semuta comme une musique à base de fréquences atonales qui donne à son auditeur un sentiment d’extase intemporel. »

Un art étrange

Le jeune artisan, qui est d’ailleurs aussi un contrebassiste de talent, convient que la lutherie est un art étrange.

« Le luthier travaille toujours dans l’incertitude. Il ne peut jamais être complètement sûr du résultat de ses efforts : l’instrument produira-t-il le son recherché ? Est-ce qu’il sera confortable pour l’interprète ? Ce sont des questions qui nous hantent immanquablement. On a à prendre des décisions, pour les matériaux et pour la fabrication, en vue d’un résultat désiré. Mais pour arriver à ce résultat, il faut nécessairement tâtonner un peu, faire des essais, se tromper et se reprendre. »

Innover dans le respect de la tradition

L’hiver dernier, Thierry Sterckeman a bénéficié d’un mentorat auprès de Joseph Curtin, un célèbre luthier américain. Pour le jeune artisan, il s’agit d’une rencontre inspirante.

« Nous avons discuté de la possibilité de l’innovation en lutherie, relate Sterckeman. Selon Curtin, le violon est déjà un instrument parfait d’un point de vue conceptuel. Il serait donc impossible, en un sens, de « réinventer la roue » et de fabriquer des violons d’une manière radicalement nouvelle. Mais si l’on demande à n’importe quel violoniste s’il considère que son violon est parfait, on découvrira que chaque instrument peut être amélioré sous un certain rapport. Elle se trouve là l’innovation en lutherie : dans les ajustements, dans les détails qui font qu’un instrument est unique. Le luthier travaille avec un matériau imparfait, dont il doit tirer le meilleur en y mettant la main de la manière la mieux appropriée pour le morceau de bois qu’il façonne, et au regard de son objectif. »

Devenir luthier pendant la pandémie

Alors qu’on entend partout les étudiants dénoncer les effets néfastes qu’ont eu la pandémie sur leur parcours académique, notre finissant de la cohorte 2021 de l’ENL soutient qu’il y a eu « du bon et du mauvais » à la situation sanitaire pour sa formation.

« La majorité de nos cours sont des laboratoires, et nous avons pu ainsi conserver un accès aux ateliers en présentiel. C’est d’ailleurs la grande force de l’ENL : nous avons très facilement accès aux établis, au magasin, aux ateliers. La situation sanitaire nous a néanmoins restreints dans le temps, avec le couvre-feu notamment. Il a aussi fallu s’ajuster en allant récupérer des outils auxquels personne n’avait touché au magasin, alors qu’habituellement quand on a besoin d’un ciseau à bois, on prend celui qui est le plus près, dans l’atelier. L’école n’a pas été frappée par une éclosion, alors tout le monde a pu terminer ses projets à temps pour la fin de l’année. D’une certaine façon, étudier la lutherie était la meilleure chose à faire en temps de Covid. Ça m’a permis de m’affairer à des projets qui prenaient toute mon attention, et qui ne laissaient pas place à l’angoisse qui accompagne les temps de pandémie », explique le récipiendaire du prix d’excellence de lutherie.

Perspectives

Pour l’heure, Thierry Sterckeman s’est trouvé un emploi dans une lutherie à Longueuil. Il continuera ainsi à se perfectionner sous la tutelle de Pier Bergeron, un artisan respecté dans le milieu. Mais il y a fort à parier que ce jeune homme à l’esprit clair a devant lui une brillante carrière dans ce métier fort discret.

« Je suis prêt à vivre dans une certaine précarité, et à faire un travail qui n’est pas toujours aussi valorisé qu’il le devrait selon moi. Or, on ne devient pas luthier pour être riche et célèbre. À terme, j’aimerais fabriquer des contrebasses. Mais je me plais bien à faire ce que je fais actuellement, c’est-à-dire du montage et des réparations. J’ai encore beaucoup à apprendre, et c’est stimulant », conclut-il.

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