C’était venteux jeudi.
Ça ne fait rien, j’aime ça le vent. La pluie aussi, surtout quand ça tombe tellement qu’on a l’impression qu’il mouille par en-bas et qu’on finit par bouffer des petits cailloux. Tout ça transforme le vélo en une sorte de lutte entre l’homme et la nature, et à date, je gagne tout le temps.
Sauf que jeudi, j’ai pris mon gaz égal.
J’avais rendez-vous à Sillery avec Émilie Villeneuve, une candidate d’Équipe Marie-Josée Savard, qui brigue cet automne un second mandat comme conseillère municipale.
Malgré le vent, je me suis dit que c’était une bonne idée de faire un détour et de passer par la côte de Sillery. Je vous ai dit que j’aime les côtes aussi?
J’oubliais évidemment les travaux de la phase x de je-ne-sais-plus-quel-projet sur le bord du fleuve. Pendant quelques kilomètres, c’était une tempête de sable comme on en voit parfois dans le Sahara, mais en encore plus désagréable, à cause des maudits camions et des maudites pelles qui faisaient leur affaire dans un vacarme étourdissant.
Une fois arrivé en bas de la côte de Sillery, j’ai pris une bonne respiration – ça n’a pas été long, comme j’avais le vent dans la face – et j’ai commencé à m’exciter sur le pédalier avec un sourire légèrement grinçant, un peu comme celui qu’on peut voir sur le visage des coureurs du Tour de France dans les grosses étapes de montagne.
Finalement, je n’aime pas trop les côtes. J’ai dû m’arrêter au milieu, devant l’église. Ben non, pas pour prier, juste pour respirer. Mais je n’étais pas loin de prier non plus, cela dit.
Puis, le cœur battant tellement vite que c’était comme s’il ne battait plus et la veine du front bien saillante, je suis arrivé en haut et même un peu plus loin, coin Maguire-Sheppard, au lieu de mon rendez-vous avec Émilie Villeneuve.
Elle était fraîche comme une rose, elle.
Nous avons marché sur Maguire. Je lui posais des questions courtes en espérant de longues réponses, pour reprendre mon souffle. « Les bornes de vélos électriques, il n’y en a pas dans le coin ? Me semble que ça serait pratique ici. »
« Ah! Les àVélos ? Moi, je rêve d’en avoir sur Maguire. La rue vient d’ailleurs d’être refaite, il reste encore à faire quelques ajustements, comme de planter les arbres et d’indiquer la signalisation. La station àVélo viendra sans doute dans les prochaines années », me dit-elle.
En effet, il n’y a pas beaucoup d’arbres sur Maguire, mais il y a beaucoup de bacs sur le sol, prêts à en accueillir. Avant les travaux, il y en avait seulement cinq ; à termes, il y en aura 94.
La conseillère sortante m’explique que son principal engagement est de compléter la signature visuelle de la rue Maguire. Elle veut aussi réaménager le parc Saint-Michel, et refaire les surfaces des terrains de tennis du secteur. Ça a l’air que l’engouement pour ce sport va en augmentant.
« Le visage de Sillery est en train de changer. Dans certains coins où il y avait autrefois surtout des personnes âgées, s’installent maintenant beaucoup de jeunes familles. C’est pour ça que nous avons le projet de réaménager aussi le parc Bourbonnière, qui était autrefois un parc de contemplation. On veut le refaire en cocréation avec les citoyens », remarque Émilie Villeneuve.
Peut-être que comme moi vous avez lu quelque part que les cyclistes aiment prendre du café pour se « récompenser » après l’effort. Comme on passait devant un restaurant, le Chaz, j’ai demandé à Émilie si on pouvait entrer. J’étais curieux de mesurer l’effet réparateur du café sur mon corps endolori.
Julien, le serveur, est un cycliste. Il vit à Vanier, et il vient travailler en vélo tous les jours, à Sillery.
– Il y a des endroits dangereux sur ta route ?
– Ouf. Je passe par Saint-Sacrement. Les chars vont vite et je me fais souvent klaxonner. La voie est étroite et c’est extrêmement désagréable.
– Tu ne pourrais pas passer ailleurs ?
– Bof, je pourrais faire un gros détour et monter par la pente-douce, mais ça me rallongerait trop. Et puis, après Saint-Sacrement, c’est ben correct sur le boulevard de l’Entente et sur le reste du chemin.
Le café était excellent, je vous le recommande, mais peut-être pas après avoir fait du vélo. J’avais déjà le cœur qui pompait avant, je ne vous dis pas après. J’ai commencé à avoir des sueurs de café comme c’est pas possible.
Pour garder bonne figure, j’ai expliqué à la candidate que je prends toujours une tasse de café après mes tours de vélo – un mensonge éhonté. J’ai même dit que c’était ma « boisson de récupération ». Peut-être qu’elle m’a cru, je ne sais pas, mais en tout cas elle ne m’a pas ri au visage. Elle est très gentille.
Émilie Villeneuve, elle, ne boit pas de café. « Je préfère le thé, et je l’achète d’ailleurs juste là, de l’autre bord de la rue, à la maison des 100 thés. »
On y est entré, Émilie m’a présenté Barbara, la propriétaire de la boutique, puis il fallait qu’elle parte, alors elle est partie. J’ai demandé à Barbara si elle avait un thé à suggérer pour les cyclistes. « J’irais avec une infusion de fruits, dans laquelle on ajouterait un peu de sucre, du miel par exemple. Ça aide à recharger les électrolytes et c’est très bon pour récupérer. »
Et qu’est-ce qu’on boit, Barbara, si on veut se faire élire comme conseiller municipal ?
Le politicien-cycliste de la semaine – Après un point de presse à l’Hôtel de Ville, le même jour, j’ai surpris Pierre-Luc Lachance, de Québec Forte et Fière, au rack à bicycle. Il m’a appris qu’il faisait 8000 km de vélo par année, en moyenne. « Mais cette année, j’ai honte, j’en ai fait seulement 3500. J’ai été pas mal occupé et j’ai eu moins de temps pour rouler. »
Pierre-Luc roule sur un vélo de type cyclocross – je crois que nous dirions aujourd’hui que c’est un « gravel bike », mais les experts me corrigeront. Il l’a acheté en 2011.
« C’était mon cadeau de séparation. Il y a des gens qui s’achètent un char quand ils se séparent, moi je m’achète des bicycles. » Il s’en est acheté un autre en 2016 – et on lui souhaite de ne pas avoir à se faire de « cadeau de défaite électorale ».
Je suis tombé dans les pommes – Il y a de bien jolis pommiers en bordure d’une bonne partie de la piste cyclable sur le bord de la rivière Saint-Charles. L’été, ils sont en fleurs et c’est très beau, tout le monde le dit, c’est presque fatigant. Mais début septembre, les fruits commencent à tomber, et il y en a partout sur la piste. Les vélos passent dessus, ça fait une belle compote sur le sol. Après, ça se décompose, ça sent quand même bon, mais ça devient glissant. Alors voilà, je me suis planté.
G.C.
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