Nouvelle initiative théâtrale, « Les 5 à 7 de La Bordée » proposent une pièce de 45 à 60 minutes avec une consommation et un goûter léger pour la modique somme de 20$.
Ayant assisté à la première représentation de la pièce « Être Norvégien », à l’affiche jusqu’au 10 septembre, nous vous présentons nos impressions.
« Être Norvégien » : intensité et légèreté
« Être Norvégien » est une pièce qui allie « humour et réflexion » selon Michel Nadeau, directeur artistique et co-directeur général de La Bordée. Elle raconte la rencontre entre une norvégienne Lisa et un père fraichement sorti de prison, Sean.
L’aspect humoristique de la pièce est indéniable, mais il n’est pas facilement saisissable. C’est-à-dire qu’on ne s’esclaffe pas de rire en grand. On rit certes parce que c’est drôle, mais avec gêne parce que c’est le malaise des personnages qui rythme la pièce.
Par ailleurs, l’aspect réflectif est présent par brides. Il y a quelques moments où on perçoit la profondeur de ce qui se joue devant nous. Cette profondeur, c’est la dimension paradoxale des rencontres humaines. Lisa et Sean sont des êtres isolés, seuls, incompris et inaccessibles. Leur rencontre est en ce sens impossible à l’avance. Toutefois, elle arrive à se produire, parce qu’ils se comprennent dans cette difficulté et parviennent à se rapprocher grâce aux artifices de Lisa.
De ce point de vue, la pièce montre une dimension intéressante de l’existence : on a besoin de racines communes pour se lier, quitte à les exagérer ou à les créer. Lisa est en effet le symbole de l’ouverture extrême. Elle est provocante et croit au concept de « destinée ». Elle exprime le zèle de communier avec Sean. Sean de son côté résiste. Il est fermé parce qu’au fond, il voit seulement la difficulté. « C’est noir dans sa tête » alors que Lisa est « légère et magnifique ».
D’ailleurs, Sophie Thibeault qui interprète Lisa est excellente. Elle semble avoir complètement intériorisé cette étrange candeur du personnage, le fait qu’elle soit à la fois attachante et gênante, exaltante et étouffante.
En gros, la pièce allie l’intensité des personnages et la légèreté de son déroulement. Le tout est facile d’accès, les propos sont simples et souvent anecdotiques. C’est touchant, mais sans être bouleversant.
Démocratiser le théâtre
La pièce présentée est qualifiée par l’équipe de « feel good show ». Cela répond certes de la volonté de démocratiser le théâtre, mais aussi d’offrir de la légèreté en ce début de saison pour compenser la lourdeur des derniers mois. Effectivement, l’ambiance était à la jovialité et à la détente, tous étaient heureux de se retrouver.
Le pari du nouveau concept est d’élargir le public, de donner le goût du théâtre à plus de gens. La formule du 5 à 7 permet d’ailleurs d’accueillir les travailleurs qui terminent tout juste leur journée et qui ont envie de « décrocher » avant de rentrer à la maison. Le petit goûter, qui comprend des boulettes de viande ou végétariennes, joue donc dans ce contexte un rôle important, sans oublier la consommation incluse, soit un verre de vin blanc ou rouge, une bière blonde de Oshlag ou des options sans alcool.
L’initiative est intéressante notamment parce qu’elle permet à ceux qui sont moins enjoués à l’idée de passer des heures devant une pièce d’y passer seulement 45 minutes, le temps de siroter tranquillement leur verre. « C’est moins épeurant », comme le dit Michel Nadeau, le directeur artistique de La Bordée.
Est-ce que la pièce arrivera à faire des nouveaux adeptes du théâtre? Il est difficile de le savoir, mais le concept plait assurément, puisque toutes les représentations d’« Être Norvégien » sont complètes.
« Les 5 à 7 de la Bordée » sont inspirés du concept écossais A play, a pint and a pie, amené au Québec grâce au Théâtre de la Manufacture. La pièce « Être Norvégien » est un texte de David Creig et une production du Théâtre Bistouri, traduit et mise en scène par Marc-André Thibault.
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