J’ai vu les images. Comme tout le monde. J’ai vu l’intervention policière du week-end. Le Québec en entier a pu observer la scène et s’en indigner.
Après ça, j’ai lu et entendu des commentaires du type « c’est pas Québec, ça ».
C’est vrai.
Ça ne nous ressemble pas. En tout cas, je ne me reconnais pas une seconde dans cette intervention, dans cette attitude, dans cet abus de la force dans un contexte qui aurait commandé du tact, de la mesure, même dans la détermination, même si c’était difficile, très tendu et agressif.
C’est pas ce qu’on a vu.
Un jeune cloué au sol, pris à la gorge, roué de coups, de la neige au visage, juste pour « l’emmerder ». C’était violent pour un « représentant de la paix ».
Évidemment, il y a un événement, une circonstance. Une dispute à la sortie des bars de la Grande-Allée, comme on a déjà vu, souvent. Les policiers interviennent en demandant que les jeunes libèrent les lieux, mais ça ne se passe pas ainsi. Les jeunes répliquent, fâchés, qu’ils « ne font rien de mal ». Le gaz poivré est sorti de ses gonds, tout comme le reste. « Ces affaires-là, va faire ça à Montréal », aurait-on dit à un des jeunes, pourtant résidant de Limoilou.
Le policier qui est intervenu n’était pas content qu’on le filme. Il aurait dit que ça ne servait « à rien de filmer ». Puis, quand le jeune s’est retrouvé dans le véhicule de patrouille, voyant l’état de celui-ci, un policier aurait dit : « oh, shit! »
Oui, comme dans : je me rends compte qu’on a poussé le bouchon, qu’on a merdé.
On peut comprendre que l’on demande d’avoir tout le contexte avant de juger. C’est dans ma nature : j’ai de la misère à me prononcer quand je n’ai pas toutes les informations utiles en main. Sauf que dans ce cas-ci, la rudesse des jeunes, l’alcool, l’agressivité de certains vont justifier quoi, au fait? Quelqu’un pense-t-il qu’on trouvera correct tout ça, puisque les jeunes ont été baveux ou menaçants?
Bien sûr que non.
C’est un métier très difficile, policier. Il faut encaisser, endurer, surtout les affronts directs. Mais, ça fait partie du boulot. C’est dans la description de tâches. Ils sont effectivement représentants de l’ordre, de la paix. Ils ont déjà, des millions de fois, eu à intervenir dans pareil contexte. Je me souviens fort bien de l’époque où « les Ontariens » venaient déraper à Québec. La police le savait et nous aussi. Je connais d’ailleurs des gens qui prenaient plaisir à aller « veiller en ville » ces soirs-là, juste pour pouvoir s’en prendre à un groupe d’Ontariens, pour le plaisir de la bataille francophones contre anglophones.
Fou de même, oui.
Alors, c’est pas Québec, ça? Je ne crois pas. Pas au sens où c’est dans nos façons de faire, non. C’est pas comme ça qu’on intervient et c’est pas comme ça qu’on instaure la paix et le respect. D’ailleurs, ils le savent bien, car les policiers ne voulaient pas qu’on les filme et ils ont laissé tomber un « oh, shit » quand ils ont réalisé ce qu’ils venaient de faire.
Pourquoi ce « oh, shit », vous croyez?
C’est pas dans notre ADN local, peut-être. Mais, ce n’est pas une raison pour croire qu’on est blanc comme neige qu’on lance au visage des gens. C’est une occasion à saisir pour se regarder dans les yeux, pour apprendre et pour grandir. C’est pas la première fois que c’est violent à Québec. On se fait plaisir en se mesurant à Montréal, en voyant les taux d’incidents qui sont incomparables. C’est vrai. Mais, ça déborde aussi à Québec, parfois, faut pas rêver. Et ce cas-ci met la question du racisme à l’avant-plan, ce qui n’arrange rien. À la couleur de la peau, le policier conclut que le jeune vient de Montréal, ce qui en dit long sur les perceptions de certains. Québec est multicolore, la gang, réveillez-vous!
Oui, des arrestations trop musclées comme celle-là, c’est déjà arrivé. Je me souviens d’une lectrice de nouvelles qui disait que les policiers avaient fait usage « de la violence nécessaire ». Comme quoi il existe un flou entre le concept et l’usage…
La différence? On les filme, maintenant. À l’époque, on ne pouvait pas trainer un téléphone à fil pour filmer les scènes avec les Ontariens. Aujourd’hui, c’est facile. Donc, « oh, shit », faudrait mieux vous y faire. D’ailleurs, aux États-Unis où les débordements policiers sont presque quotidiens, le cellulaire devient un précieux allié contre le racisme, contre la violence, contre les abus de pouvoir.
Alors, aussi bien vous habituer…
C’est pas Québec, ça? Non. Mais, ça n’arrive pas qu’aux autres. Alors, on sort la tête du sable et on prend nos responsabilités. Et on change. Maintenant.
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