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Le prix de l’entêtement

Régis LabeaumeLe maire Régis Labeaume lors d'un point de presse le 26 août dernier. Photo : Capture d'écran

Libre de sa parole (pas qu’il s’en privait tellement, mais là-dessus, il était étonnamment discret), le maire Régis Labeaume a dit ce qu’il pense : le troisième lien, faudrait oublier ça.

Par David Lemelin

La CAQ a réagi à l’ancienne, évidemment, en attaquant le porteur du message et non pas le fond. Après tout, comment pourrait-elle parler du fond, puisqu’il n’y a rien pour l’appuyer? 

Les politiciens indisposés par la lettre ont parlé d’amertume. C’est quand même drôle : quand quelqu’un prend la peine de découper, ligne par ligne, le sujet pour en démontrer factuellement les invraisemblances et les faiblesses, on appelle ça de l’amertume. 

Ben non. Moi, j’appelle ça des faits. Des faits que l’on répète et répète depuis des mois. 

Peu de temps avant la publication de la lettre, la ministre Geneviève Guilbault vantait les mérites de Labeaume, qui a été décoré par l’Assemblée nationale, disant qu’elle allait s’en ennuyer. Puis, en un claquement de doigts, on l’entendait dire « bon débarras », avec ce ton hargneux et ce dédain qu’on lui connait.

Je suis extrêmement heureux de la publication de cette lettre. Son effet sera puissant et mettra très sérieusement du bois dans l’engrenage du gouvernement. À preuve : ils n’ont pas tardé à réagir et à en minimiser l’effet. Ç’a été écrit par « un citoyen ordinaire », disaient celles et ceux qui étaient indisposés par le message, incluant le nouveau maire, Bruno Marchand, qui n’avait pas 5 minutes de complétées dans son mandat qu’il se voyait déjà ébranlé par un dossier chaud. Lui aussi a affirmé que Labeaume était un citoyen qui avait droit de s’exprimer, comme les autres. 

Sérieux. Arrêtez les lignes de com, on ne va pas se taper quatre ans comme ça!

Cette lettre provient d’un maire qui était en fonction au moment de sa rédaction, du maire le plus populaire que la ville a connu. Si c’était un citoyen comme les autres, personne n’en aurait parlé. Je ne serais pas en train d’écrire cette chronique non plus.

Labeaume connait la politique. Il savait quoi faire pour faire mal paraitre le gouvernement et chauffer la nouvelle équipe à la mairie. Il le savait parfaitement. Mais, je n’embarque pas une seconde dans l’argument de l’amertume. C’est clairement quelqu’un qui a choisi de défendre sa ville, une dernière fois. Il sait que le troisième lien est un non-sens. Alors, il a fait en sorte que son avis compte. Bien plus que les autres.

Je lui reproche en revanche qu’il n’ait pas décidé de le dire avant de partir. Sachant sa capacité à écraser des orteils adverses, son mutisme nous fait plutôt réaliser toute la pression qu’il a subie du gouvernement Legault. Il a sans doute choisi le silence pour éviter de nuire aux intérêts de son projet de réseau structurant. Comme quoi, la politique, c’est l’art du possible…

Ça laisse évidemment une patate extrêmement chaude entre les mains de Marchand qui dit que lui, il est en mode collaboration. Super! Bien! On est content! Mais, cet inconfort, il l’a nourri lui-même, faut-il le rappeler. Il a choisi de ne pas prendre position concernant le troisième lien. Il a choisi l’ambiguïté, par calcul électoral.

Aujourd’hui élu, minoritaire et faiblement appuyé, Marchand se trouve déjà dans les câbles. Sa position est, pour l’heure, des plus délicates. Comment pourra-t-il dire non à Legault? Et pourquoi dirait-il oui? Sur quelle base?

Il reste que plus les articles, les lettres et les avis se multiplient, plus il devient périlleux de soutenir le troisième lien. Ça devient franchement encombrant. Est-ce que les électeurs voudront vraiment que la CAQ fasse payer 10 milliards aux Québécois afin qu’elle puisse acheter des votes sur la Rive-Sud? 

C’est le prix de l’entêtement, le prix que voudraient nous faire payer collectivement ceux qui font de la politique, à l’ancienne, comme dans le temps : partisan et calculateur. Ainsi, même en 2021, bien des leaders politiques préfèrent suivre la parade plutôt que la commander. 

Dire la vérité aux gens, on n’est pas rendu-là, quand même…

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