Tramway, vélo, auto-solo, troisième lien, transport collectif, voies réservées : les enjeux de mobilité ont le beau jeu depuis quelques mois dans nos médias.
Par Karim Chahine
Pourtant, le paradigme automobile continue de modeler nos esprits, nos politiques publiques et l’organisation de nos quartiers urbains. J’en ai discuté avec le Marcheur de Québec, un compte twitter qui « micro-documente l’expansion de la mobilité inactive ».
Une marche avec le Marcheur
J’ai découvert ce compte Twitter lors de mes propres « déambulations numériques » en faisant défiler les publications en 140 caractères lors d’une de mes habituelles séances de procrastination. 449 personnes suivent présentement ce compte.
Le Marcheur demeure malgré tout humble. Sa démarche se veut sans prétention. Comme il me l’a dit, il ne fait que souligner l’absurdité des tentatives de notre société moderne de rentrer le plus d’automobiles possible dans nos centres urbains. Et parfois, comme il le documente par les photos qu’il publie, même si ça fit, ça dépasse sur le trottoir ou sur la piste cyclable…
Ses publications prennent parfois des tournures poétiques : « Le Marcheur dérive plus qu’il ne marche, chassé par des mains rouges ».
D’autres fois, c’est par l’humour qu’il documente le tout-à-l’auto : « “250 voitures en trop sur la rue Cartier” (Le Devoir). La ville de Québec annonce qu’elle devra procéder à l’abattage des véhicules. “On a étudié tous les scénarios et on n’a pas le choix, déclare le maire Marchand. La surpopulation de VUS met en péril l’écosystème urbain.” »
La marche a quelque chose qui anime et avive les idées disait le philosophe français Jean-Jacques Rousseau. J’ai donc invité l’utilisateur anonyme dudit compte twitter à déambuler dans le quartier Montcalm pour discuter de la mobilité dans la ville de Québec.
Constats des marcheurs
Premier constat : l’automobile occupe une place trop importante par rapport à son empreinte écologique et son efficacité en milieu urbain. Il suffit d’aller sur à l’intersection du boulevard René-Lévesque et de l’avenue Cartier pour le constater.
Alors qu’une bonne trentaine de piétons attendent patiemment la permission de traverser à chaque ronde, on voit passer une dizaine de voitures avec trop souvent tout au plus un seul occupant. On se retrouve à vivre une situation quelque peu absurde comme piéton : attendre 3 minutes pour avoir 22 secondes pour traverser. Figurez-vous qu’il y a quelques mois, les piétons n’avaient que 20 secondes, mais la ville s’est sentie généreuse et leur a offert 2 secondes supplémentaires.
Deuxième constat : sur l’avenue commerçante Cartier, les automobiles ont droit à quatre voies (deux voies de circulation et deux voies de stationnement), tandis que les piétons ont droit à deux trottoirs de tailles régulières. Lors des beaux jours ensoleillés, impossible de marcher côte à côte. Les piétons sont contraints de marcher l’un devant l’autre. Triste constat pour une si belle rue commerçante.
La mobilité inactive
Le Marcheur documente sur son compte Twitter ce qu’il nomme la mobilité inactive. La ville définit le concept contraire – la mobilité active – comme les modes de déplacement nécessitant l’effort humain, y compris ceux demandant l’assistance d’un moteur électrique, et pouvant aisément se combiner à d’autres modes, dans une approche intermodale.
Selon le Marcheur, on continue à promouvoir la mobilité inactive en construisant les villes à l’envers. On place d’abord nos routes et nos stationnements. Ce n’est qu’ensuite que l’on place nos pistes cyclables et nos trottoirs… s’il reste de la place.
Est-ce que le Marcheur est solitaire? Il marche souvent seul, mais, sur les réseaux sociaux, ses publications semblent rejoindre de plus en plus de gens. Même que dans l’espace public, des groupes citoyens et des organismes se mobilisent plus que jamais autour des enjeux de mobilité.
Le Marcheur m’a confié l’une de ses rêveries récurrentes : pouvoir enfin faire abstraction de ce réflexe naturel d’acheter une voiture en arrêtant de concevoir nos villes autour de ce mode de déplacement afin que les citoyens et les citoyennes puissent se réapproprier leurs milieux de vie sécuritaire et sans pollution. Selon notre observateur urbain, il faut connecter les quartiers, densifier avec de la mobilité douce et, naturellement, l’espace économique va se créer autour de commerces de proximités et d’épiceries locales. Et si l’achat local commençait par un déplacement actif local?
À méditer et observer lors de vos prochaines marches en temps de pandémie!
Le compte twitter du Marcheur de Québec : https://twitter.com/MarcheurdeQc (@MarcheurdeQc)
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