Trouver un nom de parti politique, c’est dur. Très dur. Je vous jure.
Par David Lemelin
C’est tellement dur que lorsque nous avions fusionné notre parti, Québec autrement, avec Démocratie Québec, j’ai proposé d’adopter le nom de nos nouveaux alliés parce que je le trouvais nettement meilleur. Pour moi, ce nom disait tout et c’est ce qui manquait cruellement à l’hôtel de ville : de la démocratie.
En revanche, si la démarche est très dure, le résultat est extrêmement important. On ne peut pas tourner les coins ronds. Le nom doit résumer, en très peu de mots, ce qui nous définit, qu’elle est la vision qui nous unit.
Des noms politiques ratés, il y en a. À commencer par Québec forte et fière qui, comme je l’ai écrit, propose d’accomplir deux choses, force et fierté, que Labeaume a déjà réalisées.
La fierté est aussi un élément à manipuler avec soin. On peut facilement imaginer qu’on versera dans le chauvinisme, la vanité, l’exclusion. Ce n’est probablement pas le cas ici, mais en communication, les mots sont chargés, ils véhiculent avec eux des impressions, des images, des perceptions. Et quand la politique les adopte, elle traine dès lors le bagage avec elle.
C’est pourquoi je me questionne sur le type de réflexion qui aura donné, en bout de piste : Québec d’abord.
On comprend l’idée et le chef Claude Villeneuve l’a dit : « Tout le monde ici veut l’intérêt supérieur de la Ville et de ses citoyens ». C’est donc ça, « Québec d’abord ». Ça me rappelle notre slogan de 2013, « Les citoyens d’abord » et pourtant, je trouve l’effet bien différent.
À l’époque, nous voulions que les citoyens soient écoutés et respectés. Avec Labeaume, nous estimions que c’était « je, me, moi d’abord » et « les gros projets d’abord ». Ce slogan devait attaquer cette triste réalité.
Dans ce cas-ci, Québec d’abord pourrait avoir le même sens, sauf qu’après le « America First » de Trump… je trouve ce choix risqué. Sur le plan marketing, je ne suis pas convaincu. En ces temps où c’est l’inclusion et l’ouverture à l’autre qui se propagent, le choix de se tourner vers son nombril parait téméraire, sinon curieux. Ça fait un peu replié sur soi-même et ce n’est pas ce qu’on devrait attendre d’une capitale comme Québec.
Oui, je sais. C’est le mieux qu’ils ont pu faire, en tenant compte des avis des uns et des autres, des (très) nombreux mots biffés sur un tableau et bousculés par les événements (comme le départ du conseiller Weiser) qui ont rendu cette sortie vitale pour l’avenir de ce parti. Il fallait trouver quelque chose pour changer le momentum.
« On va faire avec », se disent-ils, probablement.
Évidemment, un nom ne rend pas un parti efficace ou inefficace. C’est la qualité de leur travail qui parlera le plus. Et à cet égard, je le donne à Villeneuve qui, questionné sur le départ du conseiller Weiser qui réduit son équipe à 8, a répondu que ce n’était pas le nombre qui faisait les résultats, mais la qualité du travail, la force des propositions et la connaissance des rouages de la Ville.
C’est vrai.
Mais, on les écoutait plus parce qu’ils étaient plus nombreux que les autres. Désormais, ils sont nez à nez avec le parti de Bruno Marchand. Il va effectivement falloir se démarquer par la qualité du travail.
Comment cela se fera-t-il? En se distinguant de la mollesse « style Robert Bourassa » du maire en misant sur la primauté des intérêts des gens de Québec?
Faut croire.
Mais, en misant avec force sur la fierté de Québec, la bande de Villeneuve ajoutera-t-elle à la confusion?
En tout cas, je donne un autre point au chef de l’opposition lorsqu’il dit que le départ de Weiser ne fait que démontrer que la politique se fait finalement comme elle s’est toujours faite. Oui, c’est un jeu de coulisses, de pouvoir, de gestion des apparences.
Et un nom de parti, souvent, ça tourne au slogan creux…
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