Si comme tout l’indique le gouvernement de la CAQ décide d’augmenter la norme de nickel, la Ville de Québec recommandera une application différenciée du règlement sur son territoire, de façon que la norme actuelle y soit maintenue, peut-on lire dans le mémoire que la municipalité enverra au gouvernement dans le cadre des consultations à propos de ce projet.
Par Gabriel Côté
Ce mémoire présente les huit recommandations adoptées par la Ville à la suite du comité plénier. La Ville recommande au gouvernement de recourir au principe de précaution et d’attendre la publication du rapport final du projet « Mon environnement, ma santé », qui sera déposé par le CIUSS de la Capitale-Nationale plus tard cette année.
Sans surprise, la Ville insiste aussi sur l’importance de mieux mesurer les émissions de nickel, tant par l’ajout de stations de mesures que par l’augmentation de la fréquence des prélèvements. Le mémoire suggère aussi de mieux évaluer la provenance des contaminants.
En droite ligne avec cette recommandation, la Ville invite le gouvernement du Québec à mettre en place les mécanismes nécessaires pour faire respecter la norme de nickel dans l’air ambiant. Rappelons que le plénier avait mis au jour que ces mesures étaient insuffisantes et inefficaces.
De plus, la Ville exige que les émetteurs de nickel effectuent des investissement pour s’assurer d’atteindre les normes. L’administration municipale demande également que la situation particulière de la Basse-Ville de Québec soit prise en compte dans la révision éventuelle de la norme journalière, et plus largement de préconiser une approche conciliant la prospérité économique, la protection de l’environnement et l’équité sociale.
Exception
Enfin, dans l’éventualité où le gouvernement irait tout de même de l’avant avec l’adoption du règlement tel quel, la Ville recommanderait une application différenciée du règlement, et le maintient exceptionnel de la norme de 14ng/m3 sur le territoire de la Ville de Québec. Le maire, Bruno Marchand, a précisé qu’il ne s’agirait pas pour Québec de déterminer sa propre norme et de la faire appliquer, comme Montréal en a le pouvoir. « L’application du règlement demeurerait la responsabilité du gouvernement », a-t-il expliqué.
À la question de savoir pourquoi Québec aurait droit à une exception en cette matière, Bruno Marchand a été très clair. « On a la pire des situations au Québec », a-t-il déclaré sans hésitation. Il a aussi fait valoir le contexte urbain qui fait en sorte que le nickel de combine à Québec à tout un coquetel d’autres contaminants, et la présence de l’activité portuaire. « Ce n’est pas tous les endroits au Québec qui doivent vivre avec des activités de transbordement », a ajouté Bruno Marchand.
Et après ?
Le dépôt de ce mémoire marque une étape importante dans le processus entourant la question de la norme du nickel. Alors qu’il est loin d’être invraisemblable que le gouvernement reste ferme dans ses intentions, la question qui se pose naturellement est de savoir quel sera le prochain « coup » que pourra jouer la Ville pour défendre sa position.
Bruno Marchand a expliqué qu’il est de bonne foi, et qu’il suppose qu’il en est de même du côté du gouvernement provincial. « Je pars avec l’espoir que le ministre, qui a lancé une consultation, va se prêter au jeu ».
Économie
Dans le mémoire de la Ville, on découvre aussi que l’administration municipale n’est pas convaincue par l’objectif économique de la révision de la norme de nickel.
« Dans le rapport de Deloitte qui a été soumis en appui au rehaussement de la norme, on dit que le rehaussement des mesures par exemple de mitigation ou de protection entrainerait une diminution de la compétitivité du nickel québécois sur les marchés. On parle aussi des emplois créés. De l’autre côté, on nous dit en même temps que le rehaussement de la norme n’est pas dans l’objectif de remonter les activités de transbordement ou les activités de manutentions de nickel. Donc la démonstration de l’impact positif du rehaussement de la norme sur l’économie ne nous a pas été faite de façon convaincante », a expliqué Marie-Josée Asselin, responsable des questions relatives à l’environnement sur le comité exécutif.
« Glencore nous dit qu’ils n’ont pas l’intention dans les prochaines années d’augmenter leur production de nickel en fonction du niveau où elle est présentement. Quelle est la démonstration de la plus-value d’une hausse de cette norme-là, s’il n’y a pas la volonté d’en produire plus, d’en transborder plus. La preuve reste à faire », a renchéri le maire de Québec.
Le même son de cloche résonne du côté de l’opposition officielle. « Show me the money », a lancé Claude Villeneuve, en déplorant qu’« aucune retombée économique n’est anticipée en raison de la hausse de la norme de nickel », et qu’ « aucun emploi n’est créé non plus ».
Réactions
« On est satisfaits du mémoire présenté par la ville (…). On est satisfaits aussi du signal politique qui est envoyé par le maire en disant que si la norme devait changer, on s’attend à ce que la Ville de Québec en soit exclue », a déclaré Claude Villeneuve, en point de presse jeudi matin.
« Je me réjouis de voir que les éléments mis de l’avant par la Ville de Québec concernant la hausse de de la norme sur le nickel vont dans le sens du travail des citoyens et des citoyennes qui se mobilisent dans Limoilou depuis plusieurs années. Toutefois, ce n’est pas gagné, il faut continuer à mettre de la pression sur le gouvernement du Québec », a déclaré Jackie Smith, cheffe de Transition Québec et conseillère municipale de Limoilou, par voie de communiqué de presse.
« Nous sommes d’accord avec les huit recommandations énoncées dans le mémoire, entre autres plus de stations et de mesures, et on espère que le gouvernement va tenir compte de la globalité de l’environnement dans Limoilou parce que le nickel n’est qu’une portion du problème de la qualité de l’air », a déclaré Éric Ralph Mercier, chef de Québec 21.
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