L’ancien journaliste et chroniqueur Gilbert Lavoie fait paraître cette semaine Dans la cour des grands… et des gérants d’estrade. Dans ce livre très particulier, l’auteur revient sur les années qu’il a passées comme secrétaire de presse de Brian Mulroney, et cela lui fournit l’occasion de réfléchir aux difficultés propres au métier de journaliste de même qu’aux défis qui sont ceux des acteurs politiques, notamment dans leurs relations avec les médias.
Par Gabriel Côté
Je ne saurais trouver de meilleur mot que celui qu’emploie Alain Dubuc dans la préface pour qualifier l’ouvrage de Gilbert Lavoie : il s’agit d’un essai, au sens fort du terme.
En effet, bien que chaque partie de l’ouvrage soit intéressante en elle-même, – l’auteur revient sur des évènements importants de l’histoire récente du Canada, comme l’échec du Lac Meech, la crise d’Oka, la signature du traité de libre-échange avec les Etats-Unis, tous survenus alors qu’il se trouvait dans les haut-lieux du pouvoirs – c’est le point de vue de Gilbert Lavoie qui fascine.
D’abord journaliste, puis secrétaire de presse de Brian Mulroney, et enfin journaliste à nouveau, Gilbert Lavoie a passé sa vie à regarder de l’autre côté de la clôture. Il écrit : « Le journalisme m’a fait observer le pouvoir. Mulroney me l’a fait connaître. »
Tirée de son contexte, cette phrase pourrait signifier qu’on ne connaît bien le pouvoir que lorsqu’on le voit de l’intérieur, et ce ne serait pas incorrect. Mais à la lumière de tout le livre, il se révèle que l’accent doit être mis dans l’articulation entre les deux phrases. La connaissance du pouvoir suppose à la fois un regard « de l’extérieur » et un autre « de l’intérieur ».
Ainsi, le détour dans l’arène politique fut aussi (et peut-être surtout) l’occasion pour Gilbert Lavoie de considérer le journalisme de l’extérieur. Dans la cour des grands contient d’ailleurs des notes prises par l’auteur, alors secrétaire de presse, sur la conduite de certains journalistes auxquels il avait affaire. Les lecteurs attentifs auront aussi le plaisir de comparer Gilbert Lavoie et ce qu’il dit de Michel Gratton, lui aussi redevenu journaliste (ou plutôt chroniqueur) après avoir été le secrétaire de presse de Brian Mulroney.
Après avoir été développée en filigrane tout au long de l’ouvrage, c’est sur une réflexion pertinente à propos l’évolution de l’information et sur les difficultés propres au journalisme, aujourd’hui perturbé par des pressions économiques, sociales et technologiques, qu’aboutit l’essai de Gilbert Lavoie.
Bref, ce livre présente comme d’autres livres un regard lucide tant à propos du journalisme que de la politique. Mais il a ceci de particulier qu’il cultive, sans se faire d’illusions, un idéal de rigueur et d’honnêteté, « sans complaisance ni malice », dans ces deux domaines.
*Dans la cour des grands… et des gérants d’estrade, publié aux éditions Septentrion, est disponible en librairie le 8 mars.
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