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Le char et l’argent du char

David Lemelin présente sa chronique Droit de citéDavid Lemelin (Photo : Archives Carrefour de Québec)

Ainsi donc, le tramway bousculera la vie des gens qui tiennent à l’auto. C’est du moins ce que l’on peut conclure du document conservé loin des regards par l’administration Marchand. Dans cette analyse, on apprend que le scénario de rue partagée sur René-Lévesque pourrait doubler le temps de parcours des automobilistes qui emprunteraient Grande Allée et Laurier. Et la vie sera très compliquée dans les rues de transition, tout autour.

Par David Lemelin

L’analyse d’impact réalisée par la Ville en septembre n’a pas été rendue publique, malgré l’ouverture à la discussion manifestée par le maire. Le document date de septembre, donc avant l’élection, et personne n’a eu envie de le sortir, incidemment…

Pourquoi?

Je pense que l’envie de plaire à tout le monde de Marchand lui joue un vilain tour. En politique, c’est impossible. Or, dès son entrée en campagne, il a essayé de ménager tout le monde : tramway, peut-être, mais troisième lien aussi, du transport collectif, mais de la place pour l’auto aussi, j’aime l’environnement, mais je veux du développement, etc.

Ça s’appelle la quadrature du cercle, en géométrie. Le genre de défi qui semble possible et qui, finalement, ne fait que donner l’impression qu’on ne sait pas ce qu’on veut et ce qu’on dit. 

Marchand semble à ce point chamboulé à l’idée de déplaire à la radio qu’il a choisi d’y placer de la pub et qu’il fait régulièrement des déclarations formulées pour éviter de bousculer ce public de choix. Alors, on comprend qu’il lui paraisse dangereux de jouer sur la table la carte du parcours automobiliste perturbé. Ça fait peur. En tout cas, il a peur.

Alors, manque de transparence? Oui, bien sûr. Calcul politique? Oui, bien sûr. Ce n’est pas parce qu’on se présente comme « nouveau » que l’on ne fait pas comme les autres. À la mairie, on a choisi d’éviter cette chaleur jusqu’à ce qu’on ne puisse plus l’éviter. 

Bin, voilà. La chaleur est là.

En vérité, il faudra dès que possible admettre une évidence : le réseau structurant bousculera les habitudes, il changera la donne. Il fera beaucoup d’heureux et beaucoup de malheureux. 

Promettre un réseau structurant et une appli pour que tout le monde puisse choisir son mode de transport sans impact les uns sur les autres était, au mieux, naïf. En vérité, le virage dans lequel Québec doit s’engager réduira forcément la grandeur du trône de la voiture. Le modèle de l’auto en solo est rendu au bout. On ne peut pas avoir le char et l’argent du char. C’est impossible. Ça, ce n’est pas une guerre à l’auto, c’est du réalisme pur.

En fait, ça prenait le courage de le dire. Or, en politique, on n’a de courage que ce que les calculs permettent. Quand on cessera de calculer en fonction des humeurs et qu’on pensera aux gains collectifs totaux, on se défera d’un lourd poids qui nuit largement à la transparence, si chère aux yeux démocratiques.

On n’est visiblement pas encore rendu-là…

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