Catherine Dorion, la députée de la circonscription de Taschereau depuis les élections de 2018, a annoncé la semaine dernière qu’elle ne se représenterait pas aux prochaines élections. Cette annonce a pris le monde politique un peu par surprise, puisqu’en octobre dernier, l’aile parlementaire du parti avait annoncé que le caucus solidaire allait se représenter en bloc pour l’élection de 2022. Cette annonce hâtive cache-t-elle d’autres indécisions? Sans doute pas. Dans le cas de la députée de Taschereau, on sentait depuis un petit moment un certain désintérêt des travaux parlementaires, ce qui n’est pas nécessairement le cas chez ses collègues.
Les intérêts militants chez Québec solidaire
De temps à autre, on voit poindre des dissensions entre la direction du parti, son aile parlementaire et la frange plus militante du parti.
Dans les dernières années, le Collectif antiraciste et décolonial ainsi que le Collectif Tendance marxiste internationale ont tous deux publiquement vivement critiqué certaines positions de l’aile parlementaire. Par exemple, les débats entourant la position historique de la direction du parti pour un compromis basé sur le rapport Bouchard-Taylor avaient fait beaucoup de bruit. De manière similaire, au début de la pandémie, des délégués du parti avaient critiqué certains élus de s’être trop rangés derrière le gouvernement à leur goût, masquant selon eux le rôle d’opposition que le parti devait occuper.
Les critiques et les questionnements sont nécessaires et sains dans un parti politique, c’est une certitude. Cependant, dans le cas de QS, le cadre de fonctionnement est résolument basé sur la démocratie directe. Ce mode de fonctionnement n’est pas commun à tous les partis politiques et, lorsqu’on s’en rapproche, il n’ouvre pas autant la porte à la critique des députés élus du parti. De plus, ce mode de gestion démocratique doit encore apprivoiser le fait d’avoir une députation record de dix députés.
Alors qu’au congrès de novembre 2021, Gabriel Nadeau-Dubois clamait que Québec solidaire devait dorénavant « se préparer à gouverner », signifiant que le parti devait essentiellement se recentrer, on peut se questionner sur la portée de ce message au sein de la base plus militante. Les regroupements ouvertement socialistes et marxistes y ont vu un important recul des luttes historiques du parti contre notamment le capitalisme.
Au fond, c’est que les contingences parlementaires ne cadrent pas toujours avec la volonté militante d’un parti comme Québec solidaire : d’un côté on souhaite choisir ses combats, de l’autre on veut mener la bataille sur tous les fronts. C’est ce que résume François Saillant, un des membres fondateurs du parti, lorsqu’il place en opposition ceux qui veulent que le parti soit proactif dans les luttes sociales et ceux « qui sont pris dans un jeu parlementaire ».
Ce sera la perpétuelle épine au pied des parlementaires solidaires : il faut réussir à rester connecté avec la base tout en conservant son agilité dans le contexte plus normatif et instantané des travaux parlementaires, et ce, tout en conservant une certaine indépendance comme représentant d’une circonscription.
Une investiture qui promet
Le départ de Catherine Dorion représente une occasion en or autant pour son parti que pour les autres prétendants au cœur électoral de la Ville de Québec.
D’abord, c’est l’occasion pour un solidaire de reprendre le flambeau de Dorion à un moment où les sondages semblent indiquer une continuité dans les intentions de vote des citoyens et citoyennes de la circonscription. Ensuite, les autres partis, à commencer par la Coalition avenir Québec, y verront sans doute une occasion de repartir à neuf : on préfère toujours affronter un nouveau candidat plutôt que la députée sortante, riche de son expérience des dernières années, autant à l’Assemblée qu’en circonscription.
Cela étant dit, Taschereau risque d’être chaudement disputée d’abord et avant tout lors de l’investiture de Québec solidaire.
Lors de l’investiture de 2018, certains s’étaient plaints du traitement de l’adversaire de Catherine Dorion. On aurait alors présenté la candidature de cette dernière comme plus « vendeuse » que celle de son opposante Marie-Ève Duchesne. Pourtant, celle-ci avait œuvré pour le parti pendant près de 10 ans en plus d’avoir une expérience solide dans le milieu communautaire de la ville.
Tout cela laisse penser que l’investiture de Québec solidaire dans Taschereau pourrait faire ressortir certaines de ces tensions internes. Le parti résistera-t-il à l’opportunité de mousser la campagne d’un ou d’une candidate vedette?
Après une législature avec un nombre de députés record, est-ce que Québec solidaire sera en mesure de séduire des électeurs à l’extérieur de sa base? En langage marketing, le parti sera-t-il en mesure de « trouver l’équilibre entre ambition et faisabilité », pour reprendre les mots de Gabriel Nadeau-Dubois ? Cette investiture sera sans doute l’occasion de juger de cette capacité à rejoindre plus de gens, mais surtout d’évaluer l’appui des membres du parti dans ce positionnement politique en vue des prochaines élections.
Karim Chahine
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