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Made in Beautiful (La belle province) : l’éloge du collectif

Des acteurs de la pièce Made in BeautifulPhoto : Vincent Champoux, Courtoisie

La pièce de l’auteur-metteur en scène Olivier Arteau Made in Beautiful (La belle province) est présentée au Théâtre La Bordée jusqu’au 21 mai.

Par Marie-Ève Groleau

C’est dans un univers coloré et déjanté que sont conviés les spectateurs de la pièce de l’auteur et metteur en scène Olivier Arteau. Le caractère plus grand que nature du décor frappe l’œil avant même que le mouvement des acteurs sur scène soit palpable. Un vaste espace scénique à paliers, disposé d’outils et d’ustensiles faisant office de mobiliers évoquent une cuisine géante. Il n’est pas sans remarquer que la scénographie, dans toute son entièreté, rappelle le ludisme assumé ; les costumes excentriques et éclatants nous font parfois oublier que l’action se déroule le jour de l’halloween.

Les Québécois : un peuple festif

Le contexte de la pièce, une fête d’halloween déguisée, se produisant chaque année dans le foyer d’une famille québécoise, à partir de 1995,  est un prétexte à l’élaboration parfois didactique, mais pas pour autant scolaire, de réfléchir à des enjeux et des évènements sociétaux, politiques et populaires qui ont marqué la culture québécoise. 

Découvrant la vision du créateur Arteau qui expose les préoccupations identitaires toujours d’actualité du Québec contemporain, une diversité de thèmes et d’enjeux sociaux se chevauchent et s’entrecoupent permettant le débat entre les membres d’une famille aux opinions divergentes. Les enjeux multiples entre autres du féminisme ou des questions d’orientations sexuelles et d’identités de genre sont présentés sous formes de tableaux qui défilent rapidement. C’est dans cet esprit de clan que s’articule toute l’importance de faire mousser les échanges parfois aux antipodes, permettant de dépasser la tendance ambiante du confort et de l’indifférence présent dans la critique, depuis des décennies.

L’absurdité et l’autodérision à l’honneur

C’est dans un équilibre incomparable entre l’expérience affective et le rythme comique, que l’humour, parfois grinçant, fait son œuvre. Ce grand souci de préserver un ton humoristique omniprésent est palpable à la manière dont le comique s’insère dans la trame, surtout lorsque l’action devient trop dramatique. À travers le récit empreint d’humanité, voire d’humanisme, quelques moments touchants sont offerts aux spectateurs entourant, entre autres, la question de l’aide naturelle à l’égard de la maladie d’Alzheimer du personnage central de Linda.

Distribution en symbiose

Ce qui interpelle d’emblée c’est la complicité palpable des comédiens abordant un jeu parfois caricatural, mais sensible. Les onze comédiens sur scènes pour lesquels il est facile de s’attacher interprètent avec singularité leur positions et opinions souvent clivées. Lucie M. Constantineau, comédienne et directrice artistique du Théâtre KATA, associé à la co-production avec la Bordée partage son expérience de création en tant que comédienne d’un personnage complémentaire.  

«Il y a eu plusieurs versions et quelques moments de réécriture pour l’auteur, ce qui nous a permis de vivre beaucoup de liberté dans le processus de création et dans l’interprétation. Même que quelques scènes ont été modifiées pendant l’entrée en salle ! Pour ma part, j’ai apprécié, par mon personnage, d’apporter une nouvelle perspective au noyau familial, de participer à donner un nouveau souffle, une belle frénésie en cours d’histoire », confie la comédienne, Lucie M. Constantineau.

Individualisme et sociétés

Plusieurs questions sont amorcées et amenées dans le propos de la pièce. Où en sommes-nous quant à l’individualisme et à l’inclusion ? Sommes-nous les seuls à vivre ce phénomène dans les sociétés occidentales? C’est en se posant cette question qu’une interrogation supplémentaire fait surface. Est-il nécessaire d’être né au Québec pour apprécier la pièce Made in Beautiful (La belle province) aux références populaires précises aux allures souvent d’insides (pour rester dans le jeu entre le français et l’anglais) ? Est-ce que les nouveaux arrivants, toutes cultures confondues, peuvent se retrouver à apprécier justement cette pièce rappelant notre devoir de mémoire collectif ? Le théâtre par et pour nous fait possiblement poindre ce questionnement.

L’appréciation de la pièce Made in Beautiful (La belle province) renvoie au théâtre comme lieu de partage. J’ai été agréablement surprise de constater une assistance jeune, comme quoi le caractère sacré et rassembleur du théâtre a repris ses airs de jeunesse.

Sensibilisation et espoir

En posture d’écoute et de disponibilité, il est aisé d’apprécier non seulement l’autodérision pouvant être réparatrice, mais aussi les différentes citations célèbres de personnalités publiques qui ponctuent le rythme de certaines scènes de pans de l’histoire québécoise. Cette facette importante du spectacle amène le ton plus incisif ayant le potentiel de réanimer le débat et de raviver les consciences.

Même si le discours est empreint de dérision et d’absurdité d’une société pour qui les défis identitaires sont toujours d’actualité, ce vivant exutoire que nous offre l’auteur-metteur en scène et l’équipe de création, se termine sur une note d’espoir. Reprendre l’esprit du désaccord et du débat là où nous l’avons laissé s’avère salvateur à l’égard de notre sentiment d’appartenance en évolution.

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