Cher journal,
Cette semaine, nous avons un peu renoué avec le printemps, et j’en ai donc un peu profité pour renouer avec une de mes plus grandes passions : parler avec des itinérants (ne cherche pas le lien entre ces deux idées, il n’y en a pas; j’ai simplement passé beaucoup plus de temps dehors à faire du vélo qu’assis devant mon ordinateur à essayer de concocter une entrée en matière à la fois astucieuse et rigolote. Ce qui veut dire, pas d’entrée en matière de qualité tant qu’on ne passe pas une semaine complète à subir des pluies torrentielles, ou que je me fasse voler mon vélo… ne volez pas mon vélo, s’il vous plaît. L’introduction de cette chronique n’en vaut pas la peine!).
Parce que je vais être bien honnête, la plupart des gens m’ennuient. Pour moi, les gens sont des personnages de roman-savon. Ils sont embourbés dans des drames prévisibles et tellement plattes, on dirait que leur vie a été écrite par un fer à repasser.
“Bah moi, tu vois, je suis allé à Old Orchard, et à la plage, je me suis fait volé mon ballon de plage. Hoyoyo, on a rit! Quelle histoire.”
Non. Ce n’est pas une histoire, ça. Moi, j’ai été élevé par des dessins animés où tout peut arriver. Alors pour capter mon attention, j’ai besoin que ton histoire soit incroyablement improbable. J’ai besoin que tu me fasses rêver. J’ai besoin que ma réaction à ton histoire, ce soit “J’te crois pas!”.
C’est pour ça que j’aime ça parler aux itinérants.
Déjà, ce sont des personnes absolument colorées. Je n’ai jamais vu un itinérant qu’on peut qualifier de “beige”. Aucun itinérant n’a le profil d’un comptable.
En passant, je n’ai absolument rien contre les comptables. J’avais juste besoin d’un exemple qui est diamétralement opposé aux itinérants. Vous faites un travail fantastique, vous êtes des personnes fantastiques. On peut juste difficilement vous mettre dans la catégorie “foufou”.
Si pour toi, te lâcher lousse lors des “casual fridays”, c’est de mettre une cravate plus pâle d’un demi-ton de gris… bin c’est ça. J’ignore ce que c’est, mais ce n’est pas “foufou”.
Tandis que les itinérants, eux, ils sont “foufou”. Et pas juste dans leur façon de se vêtir. Ils sont foufous dans toutes les fibres de leur existence.
Principalement parce qu’ils se foutent de bien paraître. Ils se foutent bien de leur image. Ils sont comme ils ont envie d’être.
Encore là, si t’as envie d’être une personne qui met des cravates plus pâles d’un demi-ton de gris pour se lâcher lousse, libre à toi. Aucun jugement ici. Ici, c’est une zone de vivre et laisser vivre (et par ici, je parle de mon cerveau à moi. Je ne peux pas parler au nom des autres, qui sont libres de penser ce qu’ils veulent).
Bref.
Ce que j’aime surtout de parler aux itinérants, c’est leurs histoires. C’est toujours des récits épiques d’une envergure gulliveresque. Juste pour te donner une idée, voici l’histoire qu’un itinérant m’a racontée cette semaine.
“À 14 ans, j’me suis retrouvé dans une piquerie avec un gun sur la tête
parce que le dealer de la place pensait que j’étais l’incarnation de
Satan. J’étais là parce qu’y fallait que j’ramène mon père à maison. Seul
problème, mon père, c’était le dealer de la place.”
Ça! Ça, c’est une histoire! Et ce n’est même pas la plus incroyable que j’ai entendue.
Au diable, tes histoires d’enfance du genre “moi, quand j’étais jeune, j’allais jouer dans l’eau du fossé. On était fouuuuus!” Naon! Vous étiez plates.
Alors voilà. Je t’invite toi aussi à t’arrêter de temps en temps pour jaser avec des itinérants, ne serait-ce que pour avoir ta dose d’histoires abaracadabrantes. Et en plus, il paraît que ça leur fait du bien, une petite dose occasionnelle d’humanité.
Jayman
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