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La mort, le cul et les vérandas

Une vue du QG Sainte-Foy, de la route de l'ÉgliseUne vue du QG Sainte-Foy, de la route de l'Église. Photo : Julie Rheaume

Une fois, j’ai assisté à un mariage dans une grange à Berthier-sur-mer. Je connaissais le marié, j’ai même pris le thé avec ses parents quelques heures avant la cérémonie, dans une petite véranda qui donnait sur le fleuve.  

Ce sont des gens assez droits, presque puritains mais pas tout à fait, que j’ai beaucoup choqués ce jour-là avec une blague un peu grivoise.  

Je ne m’en serais jamais sorti si un oiseau n’était pas venu faire diversion en s’écrasant dans la fenêtre trop propre. Nous l’avions mis dans une boite, puis dans un sac de papier, et enfin dans un trou.  

« C’est presque impossible de ne pas penser à la mort le jour d’un mariage », avais-je alors dit à la mère du marié, qui a fait la même face qu’après avoir entendu ma plaisanterie.  

Désolé, Madame, la mort et le cul sont mes deux principaux sujets de conversation. Il m’arrive aussi de parler du beau temps, mais le beau temps me fait toujours penser ou bien à la mort, ou bien à l’amour, alors on ne s’en sort pas.

Je me suis souvenu de cette après-midi-là à Berthier-sur-mer sans le vouloir, alors que je me trouvais dans une tour à bureau vitrée pour une réunion.

Un employé à l’accueil (il devait s’appeler Carl) buvait un Monster au caramel salé. J’ai grimacé, mais il m’a assuré que c’était bon. Un journaliste rigoureux l’aurait vérifié par lui-même, j’ai pour ma part choisi de le croire sur parole et de ne conseiller aucune ligne de conduite particulière à mes lecteurs.

L’ascenseur était propre, on pouvait sans difficulté se laver les mains avant d’y entrer et après en être sorti. Il n’y avait donc pas de risque, la tour vitrée étant presque vide anyway.

La réunion portait sur « l’organisation du travail ». Un spécialiste du type « visionnaire » expliquait que la pandémie a ouvert une nouvelle ère en ce qui concerne la façon de « penser le bureau ». Tout le monde, disait-il, devra plus tôt que tard pouvoir travailler d’où il le souhaite, il faut que les entreprises s’adaptent, c’est tout naturel. Il citait en exemple la belle réussite d’Airbnb ainsi que celles d’autres entreprises issues du « numérique ». Moyennant certaines mesures, le surcroit de liberté offert aux travailleurs se traduira immanquablement, selon lui, par une augmentation de la productivité.

Le soleil qui entrait par l’immense fenêtre réchauffait la pièce. Un gars faisait mine de prendre des notes, sauf qu’il regardait pas mal souvent sa apple watch, le coquin, il devait recevoir des textos ou consulter ses emails.

C’est à ce moment que ça m’a frappé : les grosses vitres de la ville ne font pas le même effet que les vérandas derrière les maisons de campagne.

Car qu’est-ce, au fond, qu’une tour de verre ? Ce n’est rien, sinon la version architecturale de la décision de ne pas choisir, sous prétexte que toute forme de choix implique des valeurs, des jugements, enfin quelque chose. En plus, ces étranges bâtiments reflètent notre image et nous renvoient à nous-mêmes. Comme vous peut-être, quand il m’arrive de passer près de l’un d’eux, je me sens prisonnier, mais prisonnier de rien.

Ces rêveries m’ont sauvé de l’essentiel de la présentation. Le gars de la apple watch a toussé, puis j’ai attrapé quelques mots de la conclusion, à propos du vivre-ensemble et de la convivialité, enfin des choses dont on ne parle pas quand elles existent, vous voyez le genre.

Tout le monde rangeait ses affaires. Moi, je regardais la rue du haut de mon palais de cristal.

Il y a déjà un certain temps que les loisirs se sont dématérialisés et confinés au domicile, pensai-je alors. Depuis les dernières années, c’est le tour des services publics (même pour l’éducation et la médecine!) et du travail, mais aussi de l’amour (sites et applications de rencontre), du sexe (pornographie) et de la mort (funérailles à distance).  

– Monsieur le spécialiste, il manquait un truc dans votre présentation.

– Quoi donc ?

– La vie. V-I-E. Et peut-être une ou deux blagues de cul, mais je sais que ce n’est pas pour tout le monde.

Ma perruche a changé de sexe – Je vous parlais il y a quelques semaines de Balzac, mon oiseau. Eh bien ce n’est pas un oiseau, c’est une oiseau. Elle a donc été rebaptisée Frida (contre mon gré). J’avais toujours voulu un oiseau, c’était donc une nouvelle assez dure à avaler, et je suis allé me ressourcer à Cap-Tourmente pour essayer de m’éloigner autant que possible de mes problèmes.

Dans un sentier, il y avait tellement de merde d’oie qu’on ne voyait presque plus le chemin de gravier. Au début, j’essayais de ne pas salir mes bottes, or c’était impossible. Au bout du sentier, j’ai photographié un nuage qui ressemblait à Charlotte Cardin pour le montrer à ma blonde. À son avis, le nuage ressemblerait plutôt à Thomas Beaudoin.

C’est qui ça Thomas Beaudoin ?   

G.C.

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