Les habitués du Vieux-Québec savent que dès que le beau temps fait son apparition, les jeunes investissent la place D’Youville pour y pratiquer le skateboard.
Par Karim Chahine
Pourtant, la ville interdit formellement la pratique de ce sport à cet endroit, sous peine d’une amende de plusieurs centaines de dollars. Une pétition lancée en 2020 et ayant recueilli plus de 2400 signatures demandait d’ailleurs de légaliser la pratique de la planche à roulettes à cet endroit.
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Une ville est par définition un milieu organique qui ne cesse d’évoluer : ses modes d’organisation et de fonctionnement particuliers se cristallisent sur de longues années. Les habitudes urbaines s’installent parfois sans que ses habitants ne s’en rendent compte.
Une ville, c’est vivant et, parfois, certaines traditions s’installent malgré la volonté consciente des acteurs municipaux. Prenons comme exemple ce que l’on appelle en urbanisme les lignes de désir. Au lieu de dire aux gens par où passer, de plus en plus d’architectes urbains tiennent compte de ces passages que les utilisateurs finissent par tracer à force d’y passer. Ce sont ces fameuses lignes creusées à même le gazon ou la neige qu’on retrouve par exemple dans les grands parcs. Une fois ces lieux de passages analysés, on y ajoute un trottoir ou un escalier afin de répondre à la volonté collective et souvent inconsciente des citoyens.
La Ville devrait voir la place D’Youville de la même façon. Bien qu’elle ne soit pas conçue pour la pratique de la planche à roulettes, non seulement elle s’y prête merveilleusement bien, mais les planchistes l’ont adopté et les passants semblent s’y accommoder parfaitement bien.
Interdiction ou tolérance?
C’est en quelque sorte une des anomalies qui persiste année après année dans le paysage urbain de la ville. Alors qu’un panneau indique que le skateboard est interdit, c’est étrangement devenu le lieu de rassemblement par excellence de nombreux adeptes de ce sport.
Pendant longtemps, la pratique du skateboard était perçue comme un problème, voire comme une plaie, dans les milieux urbains. Le slogan largement diffusé, « Skateboard is not a crime »/« La planche à roulettes n’est pas un crime », exprime bien la réponse à cette perception visant à marginaliser les jeunes pratiquant ce sport. De nos jours, c’est maintenant un sport olympique et de plus en plus de villes investissent dans des infrastructures durables pouvant accueillir les planchistes, mais aussi les adaptes de patins à roues alignées, de trottinettes, de BMX, etc. Les milieux urbains n’y font pas exception. Des villes comme Barcelone (place du MACBA), Lyon (place Louis Pradel) ou même Montréal (Place de la Paix) ont légalisé la pratique du skateboard sur certaines places publiques du même type que la place D’Youville.
Dans mon cas, j’ai délaissé le skateboard il y a bien longtemps, mais pourquoi ne pas pérenniser l’utilisation respectueuse de l’emplacement de la patinoire pour faire du skateboard? Pourquoi ne pas prévoir un horaire afin de permettre aux adeptes de la planche à roulettes de mieux s’organiser et de cohabiter avec les autres utilisateurs?
Malheureusement, le skateboard à la place D’Youville ne représente pas une utilisation lucrative de cet espace public. Malgré tout, entre ces autres utilisations de plus grande envergure et tout aussi intéressantes (Festival d’été de Québec, Festival du film de Québec, plage urbaine, etc.), l’espace demeure libre et disponible. N’importe quel habitué du Vieux-Québec vous dira que les planchistes amènent un dynamisme à place D’Youville.
Nouvelle administration, nouvelle vision
La nouvelle administration pourrait poser un geste symbolique et décrocher cette pancarte d’interdiction afin de normaliser l’ambiguïté qui persiste dans la pratique.
Bruno Marchand avait d’ailleurs promis en campagne électorale de doubler les budgets pour les infrastructures qui se trouvent dans les parcs de la Ville : il s’était alors engagé à faire passer les budgets pour les skate parks de 600 000$ à 1,2 million $.
Ce serait l’occasion pour le maire Marchand de troquer les souliers de course pour les souliers de skateboard. Et pourquoi pas ne pas en profiter pour faire un petit pied de nez à la précédente administration qui avait expulsé les planchistes des nouveaux jardins de l’Hôtel-de-Ville en 2016?
A 66 ans, débutant en skateboard à 65 ans , je considère avoir perdu 60 ans de ma vie pour ne pas avoir commencé le skate à 6 ans. Sur cette mini planche à 4 roues je retrouve le feeling du surf, planche à voile et planche à neige. J’espere Surfer l’asphalte jusqu’a 76 ans.
Guy sirois
Quebec