Cher journal,
Me croirais-tu si je te disais que cette semaine, j’ai sauvé quantre orphelins de la noyade, alors qu’ils étaient coincés dans une maison en feu qui s’est effondrée pendant un tremblement de terre?
Non?
Et bien, tu as tort. Parce que c’est arrivé pour vrai. Dans ma tête. Tout ça s’est passé dans ma tête.
Bon, là, tu vas me dire que je mens en disant que j’ai fait des affaires que j’ai seulement imaginées. Mais à cette époque merveilleuse de la post-vérité, ou le simple fait de penser que c’est vrai en fait la réalité, qu’est-ce qu’un mensonge?
Pour vrai, ce n’est pas une question rhétorique. J’aimerais vraiment beaucoup que quelqu’un m’explique ce qu’est un mensonge en ces temps modernes.
Mais bon, tout cela n’est pas de ma faute. C’est la nature même de la vie qui fait en sorte que je m’invente des histoires. Parce que bien souvent, ma vie est platte. J’achète des concombres à l’épicerie. Je regarde mes ongles d’orteil pousser. C’est ennuyant. Une chance pour moi, j’ai une imagination débordante, alors quand je m’ennuie, je me mets à m’inventer des scénarios pour rendre mon existence beaucoup plus palpitante.
Je te donne un exemple. Mardi, en marchant dans la rue… en faits, je marchais sur le trottoir, là. Pas “dans le milieu de la rue” pour vrai! Enfin bref, c’est une expression, là! Alors, je marchais dans la rue, et j’ai vu deux jeunes aux allures louches passer à côté d’une madame dans la soixante-dizaine. Et ils passent à côté de la madame. C’est tout. C’est un événement bien banal comme on en voit tellement tous les jours qu’on fini par ne plus les voir.
Et bien moi, j’ai vu cet événement et sa banalité hors normes, et je l’ai transformé en scénario de film d’action sans queue ni tête.
Dans mon scénario, les jeunes agressent la madame pour lui voler sa marchette et la revendre sur le marché noir de la marchette, qui bât son plein en ce moment dans Limoilou, qui est devenu l’épicentre du crime de bas étages du Québec en entier suite à la décision de la CAQ d’interdire la vente d’oranges sanguines.
Alors moi, voyant ces jeunes voyous s’en prendre à une vieille dame, je vole à sa rescousse. Littéralement. Je m’envole dans les airs, tel un Boeing Airbus de Cesna en direction de l’espace, pour franchir les 2 mètres qui me séparent de la madame. Et je les sauve, elle et sa marchette.
Et comme ça, j’ai pu passer le restant de la journée à me rejouer mon film de héro dans ma tête, et à me dire “Mon doux que je suis brave et courageux et une bonne personne pour avoir aidé une quelqu’un en détresse”.
Ce qui est absurde, parce que si ça c’était passé en vrai, jamais je n’aurais volé au secours de la madame. Déjà, parce que je ne sais pas voler. Et ensuite, parce que face au danger, mon courage est largement dépassé par mon instinct de conservation.
Ce même instinct qui me pousse à conserver mes reçus à des fins d’impôts, m’incite à conserver mon intégrité physique et mentale.
C’est pour ça que quand je sors de mon monde imaginaire pour revenir m’ennuyer dans la réalité, j’aime savoir qu’en cas d’urgence, je peux me contenter d’appeler des policiers en me sauvant à bras raccourcis du danger. Parce que les policiers, ils sont bien outillés pour faire face au danger. Ils ont un fusil!
Jayman
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