Par Martin Claveau
Ce n’est pas parce qu’on se déplace en vélo qu’on est nécessairement une bonne personne. Récemment, ici même, je vantais abondamment les mérites du déplacement utilitaire à vélo. Il s’agit d’une bien belle manière de se déplacer, tout en se mettant en forme et en protégeant le Gulf Stream. Personne n’est contre la vertu.
Ceci dit, ça ne veut pas dire qu’il faut donner le bon Dieu sans confession à tous les cyclistes. On se plaint fréquemment du manque de civisme des automobilistes, mais, parfois, celui des cyclistes est encore pire.
Récemment, alors que je me rendais rejoindre des amis pour déjeuner, au Café du Monde, par un beau dimanche matin, je transitais gaiement sur la piste cyclable qui va de la rivière Saint-Charles au port. Alors que je négociais une courbe, je fus forcé de ralentir et de m’immobiliser à un endroit où un attroupement s’était formé.
Une fois sur les lieux, ne faisant, ni une ni deux, j’eu tôt fait de constater la raison de tout ce tapon.
Une grosse tortue semblait alors un peu perdue au milieu de la voie et elle progressait à pas de… Tortue.
Ne sachant trop quoi faire, les gens présents enjoignirent les cyclistes plutôt nombreux à ralentir pour protéger l’animal qui semblait un peu hébété de tout ce brouhaha dominical.
La moitié des gens, comme moi, obtempérèrent et découvrirent, du coup que ça valait bien la peine de ralentir. Après un bref hiatus, la plupart continuaient leur chemin doucement, conscient de la fragilité de l’animal et contents de lui éviter le supplice de leur roue.
L’autre moitié des cyclistes, par contre, se considéraient, au contraire, contrariés dans leurs élans et ne témoignaient aucune sympathie envers cette pauvre maman qui ne cherchait qu’à pondre ses œufs. Non seulement ceux-ci ne n’arrêtaient pas, mais dans certains cas, ils allaient même jusqu’à invectiver ceux qui obstruaient leur droit de passage, Nous eûmes même droit à quelques échantillons de leur plus beau langage eucharistique. Brimés dans la réalisation de leur objectif quotidien d’entrainement ou de rapidité vers le point B, certains donnaient l’impression d’être prêts à en venir aux coups.
La scène me rendit songeur. Après la rage au volant était-on en train d’assister l’apparition de la rage à vélo? Je me suis dit, que contrairement au préjugé favorable qui leur est souvent accolé, les cyclistes ne sont pas tous de bonnes personnes. Il y en a pas mal qui sont des imbéciles égocentriques, comme des automobilistes, du reste.
Quoi qu’il en soit la morale de cette belle fable est que les automobilistes pressés sont loin d’avoir le monopole de la connerie et que ce n’est pas parce que vous pédalez que vous valez mieux que la plupart de vos semblables.
La question polarisante de savoir si une tortue a droit de cité sur une piste cyclable peut sembler simple comme ça, mais elle est loin de l’être. En fait ce droit leur serait même plutôt contesté, par la moitié de l’humanité, selon ce que j’ai observé.
Personnellement, je considère qu’à voir tous les machins bizarres qui circulent sur le bord de la Saint-Charles, une tortue y a bien sa place, mais les crétins, d’eux je m’en passe volontiers.
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