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Chronique : Le problème de l’abstention

David Lemelin présente sa chronique Droit de citéDavid Lemelin (Photo : Archives Carrefour de Québec)

Par David Lemelin

Je sais.

Plusieurs vont choisir l’abstention, le 3 octobre prochain. 

Je sais, j’ai déjà dit en ondes, à la radio, souvent, que ne pas voter EST un vote. Et c’est vrai.

Lorsque vous faites le choix de ne pas vous déplacer à l’urne, c’est une manière concrète de montrer que vous n’en avez rien à cirer (ce qui est un droit en démocratie libre.

Être libre, ça veut dire avoir la possibilité de ne pas s’y intéresser) ou encore de signaler que l’offre ne convient pas à votre demande.

Alors, plutôt que d’appuyer quelqu’un qui ne vous dit rien, vous préférez ne rien dire. Et ça, ça parle. 

Oui, lorsque l’abstention est forte, c’est un signal important qui est envoyé à la classe politique et à toute la société. Ça dit, haut et fort, que ça ne va pas, que ça ne vous représente pas.

Dans certains pays, l’abstention est extrêmement forte, si bien que la légitimité démocratique est désormais toute relative.

Quand moins de 50 % de la population donne son avis, on ne peut certes pas dire que les élus sont assis sur quelque chose de solide. Ça ressemble à du mou, c’est factice, en somme. On vit sur du temps emprunté, dirait mon ami et collègue Cloutier.

Pourtant, je ne soutiens pas le vote obligatoire. Pour moi, la démocratie libre vient avec la liberté de ne pas se prononcer, ou d’envoyer un message qui prend vie en dehors du système. Je n’ai aucun mal avec ça.

Si on n’est pas capable d’interpeller les gens, ce n’est pas seulement la faute de leur attitude désintéressée. C’est surtout la faillite d’un système qui tend à satisfaire les mêmes. Toujours les mêmes.

Le problème avec l’abstention, en revanche, c’est qu’elle est idéale pour soutenir le cynisme et abuser des failles du système. En effet, ça été écrit, dit, décrié mille fois : le système électoral uninominal à un tour – notre système – est conçu spécifiquement pour éviter de faire face à la réalité.

Les partis politiques qui n’ont que le pouvoir comme projet apprécient ses vertus de stabilité, de même que ses aspects tordus qui donnent un pouvoir démesuré à des élus dont l’appui est pourtant faible, voire très faible. 

En 2018, la CAQ a pris le pouvoir avec 37 % des voix. Si vous y ajoutez le taux de participation, qui est de 66 %, vous vous retrouvez avec l’appui d’à peine 25 % des électeurs inscrits. Appelez ça comme vous voulez : c’est à peine un Québécois sur quatre qui a dit oui à Legault.

C’est donc dire, conséquemment, que trois Québécois sur quatre ont estimé qu’il n’était pas l’élu de leur cœur, que ce soit en votant pour quelqu’un d’autre ou en restant à la maison.

C’est très faible, comme appui, un quart. C’est presque risible. Mais, dans notre système, vous pouvez passer la gratte à l’Assemblée nationale pour si peu. 

Vous voyez?

Je ne pense pas vous convaincre en masse d’aller cocher une case, le 3 octobre prochain. J’espère seulement que vous songerez qu’en restant nombreux à la maison, ce n’est pas tellement le message de désintérêt qui sera retenu. Ce sera la victoire. Comme toujours.

Et il y a de très fortes chances que ce soit quelqu’un dont vous ne voulez même pas.

Pour casser le système, il faut élire des gens qui voudront le changer. Autrement, jamais il ne changera. Et, toujours, nous aurons des représentants faiblement élus qui feront semblant que leur légitimité est totale et leur permet n’importe quoi.

Mais, vous et moi, on saura que c’est une gigantesque mascarade.

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