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Chronique : Comme une pub de cuisine Simard

Quoi qu'on dise par Martin ClaveauMartin Claveau (Photo : archives Carrefour de Québec)

Par Martin Claveau

  « Je ne sais pas si vous pouvez laisser votre vélo ici, car il va y avoir des prises d’images de la télé tantôt », m’a poliment accueilli un gars, qui avait l’air en charge, lors de mon arrivée à la visite de la nouvelle École Stadacona de Limoilou alors que je voulais garer mon bicycle bleu 2006. « Oh, désolé je ne voudrais pas nuire à votre lancement, alors vous me suggérer de le mettre où mon vélo »?   

« Ah et puis laisses-le donc-là », m’autorisa-t-il finalement, accaparé à répondre à un appel sur son téléphone. Ça commençait drôle, mais j’y ai assisté quand même à cette visite et j’ai été séduit car le concept est plutôt réussi.  

Tout y est. Les espaces ont été pensés de manière à ce que le confort des usagers soit optimal et le résultat impressionne: planchers chauffants, climatisation, géothermie, grandes fenêtres, classes modernes et branchées, vestiaires spacieux et fonctionnels. Les profs étaient tous beaux et il y aura éventuellement une œuvre d’art, alors tout le monde souriait, même le gars de ménage qui va torcher tout ce beau monde durant l’hiver alors, c’est pas peu dire…

Selon la directrice de l’école, chaque élève disposera de l’équivalent de 12 mètres carrés pour évoluer alors, même en temps de COVID, ça sera bon pour se distancer.

Nous sommes ici à des années-lumière des lieux d’apprentissage que la plupart des gens connaissent. Le plan est que cette école fasse des petits et que le concept essaime partout dans la province. J’ajouterai que ça risque même de réduire les statistiques de décrochage scolaire et les inscriptions au secondaire car elle est tellement belle, cette école, que certains enfants risquent de vouloir doubler pour y demeurer le plus longtemps possible…

 Ceci dit, on peut quand même se questionner sur ce qu’on aurait pu faire avec les 25 millions que ça a couté, mais cette école est très « instagrammable » et correspond parfaitement à notre époque bénie.  « C’est très beau mais ça manque un peu de couleur », remarquait judicieusement ma philosophe de collègue, Sophie Wiliamson, durant la visite.  Il n’y avait pas d’élèves alors c’est un peu normal sans doute, me suis-je dit.  

J’espère donc, comme Sophie, que cette école aura de la couleur, mais c’est vrai que ça ressemblait un peu à une pub de cuisine Simard avec des figurants en complets cravates qu’on ne sait jamais trop ce qu’ils font habillés comme ça dans une cuisine…

L’Indécrottable pessimiste que je suis a, par contre, comme un petit doute sur le futur qui devient très rarement ce qu’on le voyait devenir. Il y a comme un paradoxe à une époque où l’on engage des étudiants comme professeurs, en catastrophe, trois jours avant le début de l’année. Il serait bien surprenant qu’on trouve des sous pour construire tout pleins de Labs écoles un peu partout.

Ironie du sort, au moment où je suis parti, nul autre que Sol Zanetti prenait ma place dans le parking de vélo. Alors que je rigolais dans ma tête en me disant qu’il n’y a pas de grandes chances que je prenne la sienne comme député, je me suis dit que

c’était de bonne guerre qu’on jette un peu de poudre aux yeux au public en cette rentrée scolaire ou l’on peine à trouver du personnel.

Quand on visite l’école Stadacona, on tombe sous le charme, mais il ne faudra pas oublier l’essentiel. Ce ne sont pas les mûrs qui font le succès d’une école, c’est le monde qu’il y a dedans.  Sinon, le destin de cet établissement pourrait bien ressembler à celui d’un beau gros aréna qu’on a justement bâti à coup de millions et de promesses à deux pas de là…

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