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Chronique : Du jamais vu

David Lemelin présente sa chronique Droit de citéDavid Lemelin (Photo : Archives Carrefour de Québec)

Par David Lemelin

Aux dernières élections municipales à Québec, la candidate indépendante dans St-Roch—St-Sauveur, Alexandra Tremblay, a eu du flair en posant des affiches comprenant un feutre pour inviter les gens à s’exprimer.

Elle savait qu’il y avait de l’énergie à canaliser. Dans bien des cas, pour l’avoir observé, ses affiches ont eu droit à des messages d’amour et de soutien.

Là, on est ailleurs. Complètement…

J’ai sans doute le nez collé sur la vitre. Mais, de mémoire, je ne crois pas avoir vu une campagne aussi agressive sur le plan de l’affichage électoral que celle-ci.

Fédéral, québécoise ou municipale…rien n’égal cette campagne de 2022 en ce qui a trait aux graffitis, aux affiches vandalisées, arrachées, défoncées, pliées, etc.

Je n’ai jamais vu ça.

Il y a peu de pancartes qui sont épargnées par les vandales. Celles qui sont posées à hauteur des yeux sont presque systématiquement ciblées, de même que celles qui paraissaient pourtant hors d’atteinte, bien haut perchées.

Rien n’y fait : il y a visiblement quelqu’un qui prend la peine de monter dans une échelle d’au moins 10 pieds pour apposer un nez de clown pile au bon endroit ou pour inscrire un message haineux.

C’est agressif, violent, ça perturbe l’environnement électoral, mais qu’en penser?

D’abord, on peut tenter d’y voir une manifestation normale exprimant le rejet des abus de nos sociétés. Certains qui voient la démocratie comme étant malade ou inadéquate peuvent, en effet, exprimer cette opinion par un graffiti qui peut être à leurs yeux quelque chose de légitime puisque ce geste est illégal dans un monde qu’ils rejettent.

Oui, ok.

Est-ce le cas à Québec? Je n’en suis pas convaincu. Du moins, pas comme mouvement aussi large que ce que l’on peut voir dans nos rues depuis quelques semaines.

Il y a visiblement un acharnement brutal qui, au lieu de nous convaincre que la démocratie est malade, nous fait plutôt douter de l’état mental des personnes qui ternissent ainsi le paysage électoral.

Un « 666 » sur une affiche de la candidate péquiste dans Taschereau? Vraiment? Pour dire quoi? Qu’elle est une envoyée du Diable? Mais, vous l’avez vue? Et, surtout, entendue?

Une croix gammée sur des affiches conservatrices, libérales et autres. Vraiment? Vous croyez que ces gens sont des nazis?

Et le sang représenté sur la pancarte d’un candidat de la CAQ?

Hé, ho! Il se passe quoi, là?

Qui fait ça?

J’ai beau trouver que le ton qui se dégage d’Éric Duhaime et ses sbires contribue à la tension qu’on perçoit dans l’air, rappelant les mauvais jours des antivax… je ne peux pas conclure avec certitude qu’ils en sont les auteurs, surtout sachant que les conservateurs y goûtent également, solidement.

Évidemment, certains de ces conservateurs diront que ce sont les « wokes de QS » qui font cela… mais où sont les preuves?

Donc, plutôt que de mener une enquête stérile à la recherche des coupables, quel est le résultat tangible de ces opérations de destruction?

Loin de nous convaincre que ces candidats sont des brutes sanguinaires envoyées par Satan ou Hitler, ces graffitis témoignent plutôt du manque de considération de ces gens pour le poids des mots et de l’histoire.

Un nazi, ça ne présente pas un programme vert, avec des idées pour hausser l’immigration. Ça prévoit organiser la mort des gens pour faire triompher un fou. On peut haïr Éric Duhaime à ne pas en dormir la nuit, mais l’associer à Hitler?

Je n’appuie pas Duhaime et je suis en désaccord total avec ce qu’il propose. C’est facile à démonter. Mais, en le traitant de nazi, on banalise ce que Hitler et sa bande de fous furieux ont fait pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Voilà ce qu’on fait.

En réalité, cette furie exprimée sur les affiches électorales décrédibilise complètement le messager et son message. C’est un coup d’épée dans l’eau, une colère qui ne rime à rien.

Le seul effet concret… c’est sur les équipes qui s’occupent de poser les affiches, de les remplacer, les replacer, les nettoyer. Ça les épuise, les insulte, les écœure.

Pendant qu’un comique s’amuse à poser un nez de clown, il y a un bénévole qui voit un autre lampadaire à escalader, une énième fois, pour remettre l’affiche électorale en état.

Ce geste destructeur fait abstraction du fait qu’il y a des humains derrière ces opérations d’affichage. Des bénévoles. Des hommes et des femmes de conviction qui proposent librement leur option, démocratiquement, et qui espèrent contribuer à la réflexion politique collective.

On peut rejeter tout ce qui est présenté. Mais, en détruisant ainsi le paysage électoral, ce qu’on réalise, c’est que le clown n’est pas celui qui voit son nez marqué d’un cercle rouge.

C’est celui qui l’appose.

Vaudrait mieux relire un peu l’histoire, respecter le sens des mots, le passé, de même que celles et ceux qui se tapent ce boulot pas joyeux du tout de nettoyer le bordel.

Par respect.

Y compris pour celles et ceux qui ont le courage de se présenter. C’est beaucoup plus dur et respectable que de se promener la nuit pour salir des vitres et des affiches, à la sauvette…

Ce n’est pas révolutionnaire, tout ça. C’est pissou.

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