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Chronique : La colocation sociale

Jayman : Ces choses que je ne comprends pas!Jayman nous dit ce qu'il pense de l'entente sur la biodiversité. (Photo : Archives Carrefour de Québec)

Par Jayman

Cher journal.

On va se le dire, c’est difficile, la colocation.

Surtout quand on ne choisit pas ses colocs. Bon, c’est certain que des fois, tu les choisis et tu regrettes amèrement tes choix. Comme on dit, « on ne connait vraiment une personne qu’après avoir voyagé avec elle, travaillé avec elle, vécu avec elle, avoir été kidnappé avec elle, ou avoir parlé avec elle de politique ».

Mais la colocation, c’est pire quand tu n’as aucun choix. Ce qui arrive aux personnes qui habitent dans cet enfer sans nom qu’on nomme « maison de chambre ».

Pour toi qui a la chance de n’avoir jamais connu ça, disons simplement que la maison de chambre est à l’hébergement, ce que l’étiquette « divers » est au rangement.

On y retrouve pas mal tout ce qui ne « fitte » pas ailleurs, c’est pêle-mêle, et on préfère généralement ne pas s’en occuper en se faisant croire que le problème va se régler de lui-même.

Une maison de chambre, c’est un amalgame de gens aussi différents que les opinions politiques à l’ONU.

Tu as le gars bien tranquille, qui travaille le jour et qui sort de sa chambre juste pour aller à la toilette et se faire cuire des “Cup-a-noodle” dans le micro-ondes, quitte à enlever les pizza pochettes que tu es en train de réchauffer dans ledit micro-ondes, parce qu’il ne peut pas attendre trente secondes, parce que « le temps, c’est de l’argent », mais qui ensuite te demande si tu ne pourrais pas lui avancer 5 dollars pour s’acheter des cigarettes, ce à quoi tu réponds « j’aurais bien voulu, mais je suis pressé. Le temps, c’est de l’argent! » Franchement!

Tu as la fille qui veut être amie avec tout le monde dans la place, et qui s’impose physiquement et verbalement dans toutes les conversations en te racontant sa vie alors que tu ne lui as même pas dis « Allo ».

Tu as des gens qui ont des problèmes de santé mentale majeurs et qui hurlent à toute heure du jour ou de la nuit (et par expérience, je dirais  : surtout de la nuit!). Ces gens viennent généralement avec la consommation de drogues dures, ce qui rend difficile la négociation du « vivre ensemble », même pour des choses de base, du genre « j’aimerais ça que t’arrêtes de laisser traîner tes bas sales dans l’évier de la cuisine ».

Et tout ce beau monde doit apprendre à s’endurer dans la maison. C’est un gros défi. Des fois, il faut mettre son pied à terre, plus précisément de manière à bloquer ta porte pour empêcher quelqu’un en crise de rentrer dans ta chambre.

Disons que ça forge le caractère.

En faits, tiens, j’ai un excellent comparatif pour t’aider à comprendre les enjeux de vivre en maison de chambre : la cohabitation sociale. Tu sais, quand la population n’endure pas les itinérants dans son quartier, et fait pression pour qu’ils disparaissent?

Ouain, ok, c’est peut-être un mauvais comparatif, au final.

Parce qu’en maison de chambre, si tu n’aimes pas tes voisins, tu as peu d’options. Soit tu attends qu’ils déménagent, soit tu déménages. Tandis que dans le cas de la cohabitation sociale, tu peux faire des pétitions et parler dans les médias. Ça ne règle rien, mais au moins, tu as l’impression de pouvoir faire quelque chose.

En passant, je ne suis pas en train d’insinuer que les personnes qui se plaignent des comportements des itinérants sont dans leur tort. Loin de là. Ces personnes ont le droit d’avoir une tranquillité de vie. Et si on leur demande, je suis certain que ces personnes trouvent que l’itinérance est un grave problème de société qui devrait être enrayé, et que personne ne devrait se retrouver à la rue.

Ce que j’insinue, c’est que ces personnes, aussi bien intentionnées soient-elles, ne cherchent pas à cohabiter. Elles cherchent à faire en sorte que l’itinérance ne soit pas « leur » problème.

Pour preuve, alors que la ville de Montréal, qui fait face à une hausse vertigineuse du nombre d’itinérants, annonce qu’elle va ouvrir des centres d’hébergement, elle parle plus de comment elle va « minimiser l’impact du centre sur la qualité de vie des citoyens », que de comment elle va concrètement venir en aide aux gens dans la rue.

Être cynique (ce que je suis), je dirais que les villes n’ouvrent pas des centres pour itinérants pour aider les itinérants à se sortir de la rue, mais plutôt pour nettoyer les rues de ces infects itinérants qui pourrissent la vie des bons citoyens (ce que je dis).

Et vouloir être encore plus cynique (ce que je veux volontiers), j’ajouterais que les mesures pour réduire l’impact sur la qualité de vie, ça se résume généralement à « plus de police ». Alors qu’en réalité, l’itinérance, ça ne se règle pas à coups de matraques et de poivre de cayenne et de menottes et de contraventions.

Quoique, j’aimerais bien voir ça, la police qui essaie de chasser les pauvres de la rue à grands coups de gaz lacrymogènes et de poivre de cayenne et de coups de matraque dans face… ah, non, laisse faire, c’est exactement ce que j’ai vécu au Sommet des Amériques de 2001.

Mais bon, apparemment, il n’y a que la police qui peut mettre fin aux incivilités des itinérants. Et ça, « incivilités », c’est un gentil mot pour dire « chier et pisser dans les buissons ». Parce qu’apparemment, se soulager où on peut, ce n’est pas civilisé. Ce qui est civilisé, c’est d’entretenir une société où on enlève aux gens la possibilité de se soulager de manière digne et discrète.

Bref.

Je vais terminer avec une gentille ironie qui me trotte en tête en écrivant ces lignes, mais qui ne s’insère dans aucune des lignes déjà écrites. La population qui a passé des années à s’opposer bec et ongle à l’instauration d’un centre d’injection supervisé dans Saint-Roch, est la même qui aujourd’hui se plaint que des itinérants se droguent dans leur cours et laissent traîner les seringues par terre.

Des fois, c’est à n’y rien comprendre.

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