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Saint-Roch : Claude Villeneuve espère un plan « qui va au-delà de la question de l’itinérance » 

Depuis maintenant plusieurs semaines, le chef de l’opposition Claude Villeneuve se préoccupe de la situation dans le quartier Saint-Roch et talonne l’administration actuelle pour l’adoption d’une approche ciblée.

« On a besoin d’un plan Saint-Roch qui va au-delà de la simple question de l’itinérance », assure-t-il.

L’idée a pris naissance en août dernier, lorsqu’un groupe de travail du conseil de quartier de Saint-Roch a proposé une nouvelle manière de concevoir le problème d’itinérance. Le président Louis H. Campagna a présenté l’étude sur laquelle s’appuie le groupe pour revendiquer une vision unifiée et enrayer la polarisation actuelle entre des mesures plus conservatrices de coercition et des mesures plus libérales.

Il s’agit d’une étude de 2014 intitulée Open drug scenes: responses of five European cities qui se penche sur cinq villes européennes : Amsterdam, Frankfurt, Vienne, Zürich et Lisbonne.

Les résultats de l’étude conduisent à la conclusion qu’une transformation du regard est nécessaire en matière d’itinérance. En effet, penser le problème comme celui d’un « marché ouvert de la drogue » permettrait de mieux coordonner les efforts des différents acteurs et d’harmoniser les mesures.

Le conseil de quartier de Saint-Roch demande donc à la Ville de s’adresser aux « instances découlant du gouvernement du Québec, et notamment, le CIUSSS de la Capitale-Nationale, afin que les orientations appropriées soient mises en oeuvre et les ressources suffisantes obtenues ».

Claude Villeneuve se porte à la défense de cette proposition, bien qu’il précise d’abord qu’il n’est pas un spécialiste de la question des Open drug scenes.

Il partage néanmoins l’espoir du conseil de quartier qui est celui d’améliorer réellement la situation dans Saint-Roch en pensant le Carré Lépine, voisin de Lauberivière, comme un marché de drogue à ciel ouvert.

Conséquemment, il déplore que l’enjeu ne soit pas abordé davantage durant la campagne électorale provinciale, puisqu’il ne s’agit pas d’un problème uniquement municipal.

Unifier les approches autour d’une même conception

En somme, l’idée est de « développer des systèmes de coopération entre les services sociaux et de santé et les services policiers » qui permettrait de mettre fin aux deux visions qui s’affrontent en ce moment à Québec. On peut résumer le débat comme celui entre ceux qui aimeraient voir plus de contraintes, notamment les citoyens qui en subissent les conséquences, et ceux qui opteraient pour davantage de tolérance.

« Il va toujours avoir une tension, et on le sent à Québec, entre le milieu qui subit cette pression et cette présence, qui est en réaction face à l’itinérance et des gens qui sont plus dans une logique d’aider, de réduire les méfaits et de venir en aide à cette clientèle-là », résume à cet égard Claude Villeneuve.

Il résulte de cette divergence une tension sociale entre Lauberivière et les citoyens qui a pris de l’ampleur durant la dernière année.

« L’approche de Open drug scenes réconcilie et réinstalle un dialogue », affirme que le chef de Québec d’abord.

Aider réellement Lauberivière

Claude Villeneuve raconte avoir discuté avec le directeur général de Lauberivière Éric Boulay qui lui a expliqué que les gens qui trainent dans le secteur ne fréquentent même plus le refuge.

« Il y a des usagers qui iraient à Lauberivière et qui ne se sentent même plus à l’aise de fréquenter le coin à cause de ce qui a autour », poursuit-il. Reconnaitre la nouveauté de la situation est donc nécessaire selon lui pour avancer et trouver une approche conciliante.

« La façon dont je comprends l’approche Open drug scenes et qui semblent rallier les citoyens c’est que ça prend de la coercition sur les gens qui causent les problèmes, c’est-à-dire ceux qui vendent la drogue, affirme Claude Villeneuve. Il ne faut pas stigmatiser les usagers. C’est du monde qui a des problèmes très lourds et ce n’est pas par leur judiciarisation qu’on va améliorer la situation. » 

Le chef de l’opposition explique que la pandémie a eu comme effet de hausser le coût des drogues comme la cocaïne, ce qui a contribué à l’essor d’un marché de drogues de piètre qualité, faites par exemple avec des produits ménagers. Ces drogues qui se vendent à petit prix ont des effets beaucoup plus délétères sur la santé des utilisateurs.

Claude Villeneuve explique aussi que le trafic est plus simple à mener, puisque les approvisionnements sont plus petits et qu’il est plus facile pour les vendeurs de s’en débarrasser rapidement. Les vendeurs sont aussi très mobiles et se déplacent à vélos. Tous ces facteurs compliquent le travail des policiers.

« Il y a une approche plus ciblée à développer, particulière et vraiment propre au secteur », poursuit le chef de Québec d’abord.

Itinérance zéro ou approche comportementale

La nouvelle perspective permettrait donc de nuancer le concept « d’itinérance zéro » promu par la Ville de Québec actuellement.

Il s’agit moins que de viser à réhabiliter chaque individu dans la société que de s’attaquer directement aux comportements qui sont à la source du problème tel que vécu dans Saint-Roch.

« Si on s’attaque au problème de consommation de drogue, on va améliorer la situation de facto, assure Claude Villeneuve. L’itinérance zéro n’est pas une mauvaise approche en soi […] On peut faire plein de choses pour sortir le monde de la rue [ou pour prévenir]. Il y a des gens qui sont en rupture avec la société et qui n’ont pas envie de recevoir son aide. À courir après l’itinérance zéro, j’ai l’impression qu’on s’éloigne d’une approche de réduction des méfaits qui a un impact beaucoup plus tangible et concret. »

La solution passerait entre autres par une présence policière accrue pour intercepter les criminels. Par contre, il ne devrait pas être du ressort de la police d’intervenir auprès de gens intoxiqués ou en détresse. Il s’agit en somme de spécifier le rôle de chacun, autant celui des intervenants que des citoyens.

Toutefois, l’approche dissuade de criminaliser les consommateurs, comme il s’est produit ce mois-ci dans le quartier Saint-Roch. Claude Villeneuve reconnait que les choses ont bougé depuis le conseil de quartier, notamment quant à la présence policière, mais la réflexion n’est pas encore aboutie.

Saint-Roch : un quartier « brisé » 

Selon le chef de Québec d’abord, le problème doit être pensé plus largement.

« Saint-Roch ça fait deux ans que c’est en travaux, de Honoré-Mercier jusqu’à Laurentien », atteste Claude Villeneuve. Il note par ailleurs les complications vécues avec le RTC et l’absence d’évènements culturels dans le secteur, notamment lors du Festival d’été de Québec.

« Si on ne prend pas soin du quartier, il va se détériorer, craint-il. C’est ce qui m’amène à interpeller l’administration : est-ce qu’il y a un plan pour Saint-Roch ? »

Il note à cet égard que plusieurs commerçants n’ont pas aimé ses dernières sorties médiatiques pour dénoncer l’état des lieux du quartier, puisque cela lui donne « une mauvaise réputation ». C’est d’ailleurs pour cela qu’il espère y voir une programmation du Festival d’été l’année prochaine, pour valoriser le secteur.

« Il y a toujours eu des gens un peu marginaux devant la bibliothèque Gabrielle-Roy et sur le parvis de l’Église, lance Claude Villeneuve. C’est ça notre Saint-Roch et je crois beaucoup au concept de mixité sociale. Ça nous prend ça dans Saint-Roch. »

Bruno Marchand est-il à l’écoute ?

De plus, il faut rappeler que le maire de Québec a affirmé qu’il « n’hésiterait pas à instaurer des solutions ambitieuses » en matière de lutte à l’itinérance lors de la dernière campagne électorale.

« Ça prend une mairie qui a assez d’ambition, de force et de volonté pour rallier les acteurs, les mettre à contribution et cibler cet objectif de zéro itinérance qui est le seul nécessaire pour avoir une vraie vision », avait conclut Bruno Marchand il y a presque un an.

Claude Villeneuve ne doute pas du sérieux avec lequel le maire et l’administration traitent le problème de l’itinérance dans Saint-Roch. Or, il a l’impression « qu’ils ont été déstabilisé par la proposition du conseil de quartier ». D’après lui, ils préfèreront tout de même emprunter la voie de l’itinérance zéro.

« J’ai hâte de voir ce que la Ville va proposer, continue-t-il. Je comprends qu’il y a quelque chose qui s’en vient, mais je ne suis pas sûr que ça va aller dans le sens qui est attendu. » 

Le chef de l’opposition ajoute que durant la pandémie, Régis Labeaume tenait un statutaire avec les gens du CIUSS et de Lauberivière. L’ancien maire de Québec cherchait à y savoir « ce qui se passait dans sa ville et quelle était la situation actuelle ».

« Je ne sais pas si Bruno Marchand est en contact comme ça avec les gens du terrain, se demande Claude Villeneuve. Ça se peut qu’il le soit, je ne le sais pas. Mais je trouve que d’être en dialogue, que ce soit avec les gens du terrain plus social ou les gens des forces policières, ça fait partie de la job d’un maire. »

Claude Villeneuve précise qu’il salue le travail très apprécié de Marie-Pierre Boucher, responsable du développement social et communautaire au comité exécutif. Il se questionne toutefois à savoir si l’information remonte jusqu’à Bruno Marchand.

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