Par David Lemelin
J’ai un malaise à lire les chroniques de Régis Labeaume, dans La Presse. J’ai un malaise à le voir faire la morale à tous les politiciens, à jouer le sage qui profite de la vue d’ensemble, du haut de sa vaste expérience ponctuée de succès sans précédent et de réalisations enviables…
Ça sonne… faux.
Moi, j’ai écrit un bouquin sur le bonhomme en 2011. J’ai rencontré plusieurs dizaines de personnes qui m’ont raconté, on et off the record, comment il était brutal, baveux, mesquin, revanchard et dangereux.
Certes, il a aussi des réussites à son actif, à commencer par la visibilité accordée à la Ville de Québec, qui n’était pas aussi intense avant lui. C’est vrai. Il a aussi fini (après avoir critiqué ceux qui, comme moi, disaient que c’était nécessaire) par embarquer dans l’élaboration d’un réseau structurant pour Québec. Oui. Il a eu ses bons moments, il est vrai. Surtout les toutes dernières années de son trop long règne.
Mais, ça n’enlève rien de tous ses coups de gueule, ses insultes, son mépris, ses colères et ses crises!
S’il se contentait de chroniques où il mémère à propos de la vie, de la couleur des tapis (il est bon là-dedans, il ne se privait jamais de commenter tout et n’importe quoi), de son jus de fruits préféré… ce ne serait pas si mal.
Or, c’est à un exercice de tir que l’on assiste, très souvent. On dira que je critique durement aussi, c’est juste. Mais, je n’ai pas passé ma carrière à jouer les matamores pour, ensuite, tenter de me faire passer pour Platon ou Épictète…
Y’a un boutte à toute, mettons.
De son siège « d’observateur », il distribue désormais les taloches à l’endroit de tous ceux qui doivent figurer sur sa liste noire. Il « remet les pendules à l’heure », essaie-t-il de nous faire croire. Il nous dit les vérités des coulisses, supposément. Oui, y’a du vrai. Sûrement.
Toutefois, c’est plus souvent du mémérage, justement, dans lequel il tente d’illustrer à quel point il voit juste, il sait, à quel point, lui, il aurait fait autrement. C’est d’ailleurs spectaculairement gênant lorsqu’il se permet de déplorer l’arrogance des uns et des autres, critiquant leur éthique et leur comportement, rappelant l’importance d’avoir le sens de l’État, de la vision, de penser plus loin que le bout de son nez.
Or, bien franchement, Labeaume a été un maire le nez collé sur la vitre, branché directement sur les humeurs de la radio. C’était un maire d’humeur, de tempérament girouette, un politicien brouillon qui naviguait au flair. C’était tout sauf un homme de sagesse, de calme, de recul, de réflexion, de jugement. Il a eu énormément de succès, mais ce n’est certainement pas à cause de sa sagesse et de son sens de l’État.
Alors, oui. J’ai un malaise.
Et La Presse, pour attirer l’attention, s’est jetée à ses pieds. Elle dira : « mais, il est très populaire, il est l’un des plus lus chez nous! »
Oui, il a toujours été populaire. Ce n’est pas le point. Il a toujours su comment provoquer, comment attirer l’attention, ce n’est pas le sujet.
C’est juste que ça sent la supercherie, le maquillage, le faux-semblant.
Et ça, c’est malaisant.
On pourra dire que c’est bon de le voir enfin parler avec son cerveau. Oui, ça fait du bien. Mais, quand je le vois attaquer les radios qu’il embrassait goulument pendant de nombreuses années, j’y vois un paradoxe pour le moins gênant.
Qu’il ait évolué, c’est souhaitable. Mais, l’avoir fait pendant qu’il était au pouvoir aurait été encore mieux.
Beaucoup de gens auraient été épargnés.
Y compris la démocratie.
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