Par David Lemelin
En campagne électorale, Bruno Marchand refusait de trancher concernant le troisième lien, se réfugiant derrière l’attente de « données et études probantes ». C’était pour se donner l’air sage. En réalité, c’est parce qu’il ne connait pas l’aménagement du territoire. Il lui fallait gagner du temps.
Au fur et à mesure que les mois ont passé, il a senti la pression et commencé à se montrer plus ferme concernant le troisième lien, disant qu’il n’allait pas faire le train derrière Legault. Là, on voulait qu’il ait l’air d’un dur à cuire, de quelqu’un qui va défendre le bon sens.
Que s’est-il passé après les élections?
Il s’est couché. Littéralement.
Il s’est installé des franges le long des bras, pour servir de tapis au gouvernement Legault. Il l’invite à s’y nettoyer les pieds, presque sourire aux lèvres.
D’une part, il dit que les résultats du 3 octobre empêchent le rejet du tramway… et du même souffle, estime qu’il faut entendre les citoyens qui ont appuyé la CAQ et, donc, voir comment on pourra aller de l’avant concernant le troisième lien.
C’est quand même joli, non?
Il ajoute, pour se défendre, qu’il croit Legault lorsqu’il lui dit que des études seront dévoilées en 2023 et convaincront le maire de Québec.
Et pour continuer d’illustrer le « comique » de la situation, Marchand ajoute qu’il souhaite pour la région un ministre qui « a du chien » et capable « d’abnégation ». Et, pour faire cute, encore, il ajoute qu’ensemble, ils vont faire « des flammèches ».
Là, les amis, on savoure les limites des lignes de com. On a touché le fond.
Il s’imagine qu’un député caquiste qui « a du chien » ferait aussi preuve d’abnégation, sachant la tendance existante concernant l’arrogance? C’est une punch line pour la prochaine ComédiHa! ou quoi?
La réalité? Presque rien n’a bougé. Les deux circonscriptions principalement concernées par le troisième lien ont appuyé des candidats qui s’y opposent. Des circonscriptions en plein centre-ville. Or, pour expliquer sa réaction moins ferme qu’avant les élections concernant le troisième lien, Marchand explique qu’on ne rentre pas chez son banquier avec l’intention de jouer le rôle de l’opposition.
Donc, le gouvernement du Québec est un banquier pour la Ville? Quelqu’un peut-il le sortir de son jogging, l’asseoir dans une chaise et lui donner un cours de politique, svp?
Le maire saccage lui-même son rapport de force!
Il y a plus que ce rôle de « créature » du provincial, mais un acteur politique qui peut devenir incontournable par le LEADERSHIP du maire. Les caquistes sont plus forts qu’avant? Oui, à 90, c’est évident. Alors, dans ces conditions, il faut faire preuve de plus de détermination et de conviction.
C’est possible quand on sait ce qu’on dit et ce qu’on fait. Quand on l’ignore, on joue la com. Et tout ce qu’il dit depuis un moment ne témoigne que d’un cruel manque d’expérience.
Que fait Marchand, dès lors, pour détourner l’attention? Il traite le chef de l’opposition de bougonneux, alors qu’il lui pose des questions sur des dossiers de base (l’état des terrains de baseball, l’annulation des cours de natation, etc.). Évidemment, Claude Villeneuve sait ce qu’il fait. Il est dans la tactique politique classique qui consiste à déplorer les services aux citoyens. Ça parait toujours bien. Mais, ça ne reste pas moins valable comme questions.
Mais, le maire, lui, il est fâché, fâché. Il mord… quand ce n’est pas dangereux. Taper sur le chef de l’opposition, c’est facile. Défendre les gens de Québec contre le troisième lien… ça, c’est plus compliqué. Ça prend du doigté, des compétences… et du leadership.
C’est sans doute cela qui pousse Claude Villeneuve à parler des « souliers de course » de Marchand et de son attrait pour les événements de prestige. Le maire fait semblant de ne pas comprendre le lien, mais je crois qu’il le sait très bien : dans son camp, on est fort sur la com, les photos cool, les chaussures de course, le vélo, les grands sourires, les p’tites vidéos cute… mais, pendant ce temps, les dossiers où il faut travailler fort et faire preuve de leadership trainent la patte. Jackie Smith a aussi parlé de la qualité de l’air et des données qui se font attendre. Pourtant, même dans les dossiers moins « glamour », ça prend des résultats.
L’image et le superficiel peuvent cacher un moment certaines lacunes. Or, les gens du centre-ville de Québec ont été clairs : ils ne veulent pas de troisième lien. Et ce dont ils ont besoin, c’est d’un leader.
Pas d’un tapis.
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