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Alice au pays de l’absurdité

alicePièce de théâtre Alice au Grand Théâtre. (Photo : Stéphane Bourgeois)

Le théâtre du Trident présentait en grande première hier soir sa pièce Alice, inspirée des œuvres de Lewis Caroll et réimaginée par l’autrice Emmanuelle Jimenez et le Théâtre Rude Ingénierie qui nous montrent toute l’absurdité de cette histoire que nous pensons connaitre. La pièce est présentée jusqu’au 3 décembre au Grand Théâtre de Québec.

Par Mélissa Gaudreault

L’autrice a été approché par le Théâtre Rude Ingénierie pour réécrire l’histoire pour le théâtre.

« Dans la pièce, c’est comme dans les romans : on suit le parcours d’Alice dans ce monde très étrange. Ce qui était mon travail et qui a été un défi, c’était de donner une courbe au parcours d’Alice, parce que dans les romans c’est vraiment une succession de rencontres plus étranges les unes que les autres. »

La réécriture met en lumière les deux thèmes principaux de l’histoire, la violence et l’oppression, que l’on a oublié parce que l’adaptation cinématographique du récit par Disney mettait l’accent sur le côté merveilleux.

« Alice se rend compte grâce à son regard d’enfant que le fameux pays des merveilles n’est pas aussi merveilleux que ce qu’on veut lui faire croire. Il y a beaucoup de violence dans l’œuvre. C’est un monde oppressant avec des règles étranges qui semblent immuables. Elle reste intègre tout le long de son parcours ; c’est ça qui vient éclairer et nous montrer l’absurdité et la violence de ce monde-là. » – Emmanuelle Jimenez

Il y a plus à l’histoire que ce que l’on pense.

« On pense que c’est une œuvre qu’on connait, mais à ses relectures de ces deux œuvres là on réalisait comment c’est d’une richesse philosophique et narrative, de langage, de sens, de physique, de toute la relation qu’entretient l’humain avec sa planète Terre. » – Bruno Bouchard, co-fondateur du Théâtre Ride Ingénierie

L’intention artistique

Le Théâtre Rude Ingénierie a créé une Alice qui n’a pas d’âge précis, parce qu’à quelque part elle pourrait être n’importe qui, qui se fait oppresser par tous ceux qu’elles croisent sur son chemin.

« Ce que vous allez vivre est à la fois une aventure de fiction avec l’histoire d’une Alice qui dans notre cas n’a pas d’âge ou qui a plusieurs âges et d’une Alice qui va aller à la fois dans le terrier et de l’autre côté du miroir voir les choses différemment, se confronter à un monde des merveilles qui est torturé, sous occupation. Les personnages le manipulent et sont en train de lui donner un sens forcé parfois. » – Bruno Bouchard

« J’avais envie de dire que d’une certaine façon on est tous des Alice dans un monde absurde et que les personnes qu’elle rencontrent sont encore existants dans nos sociétés. Pour moi, le personnage d’Alice est toujours pertinent et d’actualité et le restera tans qu’il y aura une société avec des règles. » – Emmanuelle Jimenez

La mise en scène de la pièce ne ressemble pas à une pièce de théâtre traditionnelle, avec des décors immobiles, de la musique de fond, des costumes, etc.

« L’expérience scénique que le Théâtre Rude Ingénierie propose, la manière de raconter cette histoire-là, de venir jouer avec les éléments sur la scène qui ont un côté balais, un balai de discipline dans lequel l’histoire est racontée de plusieurs façons en même temps devient une histoire en elle-même. » – Bruno Bouchard

La morale de l’histoire d’Alice est que le monde n’a pas toujours de sens, qu’il est assujetti par des règles parfois incompréhensives, que l’on est tous des Alice qui essaient de naviguer dans toute cette absurdité.

« L’histoire de Lewis Caroll questionne le sens et le non-sens et notre relation à comment fonctionne le monde dans lequel on est et comment on pourrait s’imaginer qu’il pourrait fonctionner lorsqu’on l’aborde dans un endroit où les lois de la physique tombent, où on peut être plusieurs choses en même temps, qui nous amènent dans un monde surréaliste mais aussi réel qui nous parlent d’une autre manière. » – Bruno Bouchard

Critiques de la pièce

Comme le disent l’autrice Emmanuelle Jimenez et Bruno Bouchard, co-fondateur du Théâtre Rude Ingénierie, on suit le parcours d’Alice inspiré des deux romans mais dans un désordre chaotique, modifié et tourné au ridicule pour en montrer l’absurdité et créer la confusion.

On remarque sans hésitation que le monde merveilleux ne l’est pas vraiment, qu’il est rempli de violence et qu’Alice se fait oppresser par tous les personnages étranges qu’elle rencontrent.

On peut transposer cet élément à notre société ; nous sommes entourés au quotidien de différents types de personnes qui nous manipulent et nous influencent à leur manière et nous ne comprenons pas toujours l’utilité des règles qui régissent notre monde.

Connaissant bien l’adaptation cinématographique de l’œuvre, j’ai eu beaucoup de difficulté à reconnaitre l’histoire qui avait été beaucoup modifiée et distordue. Je n’ai compris les références qu’à la fin de la pièce, en me remémorant les scènes vues et les éléments de l’histoire que je connaissais, mais même là je n’étais pas certaine des liens faits avec l’œuvre originale.

On peut deviner certaines personnages comme le lapin blanc, la reine de cœur, le chat du cheshire, la chenille, humpty dumpty grâce aux costumes et à certaines paroles, mais cela nécessite beaucoup d’imagination. Il y a plusieurs personnages présentés sur scène dont je n’ai pas compris qui ils étaient et je n’ai pas compris pourquoi il y avait autant de comédiens avec des masques de lapin blanc, cela portait à confusion selon moi. Les deux personnages qui étaient mieux joués à mon avis, outre Alice, sont le lapin blanc et la reine de cœur.

J’ai bien aimé le côté minimaliste et artistique des décors qui permet à chacun de se faire sa propre interprétation et qui vient nous déstabiliser parce que l’on est habitué à voir des pièces de théâtre avec des décors impressionnants qui nous aident à plonger dans l’histoire.

Par les paroles d’Alice et de certains personnages, on comprend très bien que le voyage de la jeune fille n’est qu’un rêve absurde et qu’elle ne se laissera pas avoir si facilement. Elle réussit malgré les obstacles à rester elle-même et à voir les choses comme elles le sont.

Cette version théâtrale du récit que l’on pensait connaitre nous fait nous questionner sur notre société, sur nos capacités à ne pas nous laisser manipuler et oppresser comme Alice et sur le sens et le non-sens.

En somme, j’ai bien aimé la pièce malgré qu’elle s’éloignait beaucoup de l’histoire que je pensais connaitre, car elle m’a permise de comprendre certains éléments importants de l’histoire et elle était très drôle.

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