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La police rencontre les aînés à Québec depuis 2014

Les étudiants et leurs constables, dont Stéphan Laliberté au troisième rang, qui collaboraient au programme À la rencontre des aînés à l'été 2022Les étudiants et leurs constables, dont Stéphan Laliberté au troisième rang, qui collaboraient au programme À la rencontre des aînés à l'été 2022. Photo courtoisie : SPVQ.

Plus de 6000 personnes âgées de la région de Québec ont été rencontré par le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) depuis le début du programme À la rencontre des aînés.

En 2017, les personnes à Québec de plus de 65 ans représentaient 20,5% de la population. Statistique Canada révélait d’ailleurs dans son Recensement de 2021 que la population âgée de 85 ans et plus a doublé depuis 2001 dans le pays.

Stéphan Laliberté, agent senior et policier depuis 30 ans, s’occupe des situations particulières pour les personnes aînées depuis 2012. Il est le créateur et responsable du programme À la rencontre des aînés.

En juin dernier, le SPVQ a reçu un certificat de reconnaissance lors du colloque de l’Association des directeurs de police du Québec (ADPQ) pour les retombées positives du programme. La Ville le bonifiera d’ailleurs pour visiter davantage de personnes.

« Ça apporte tellement de bien, soutient le responsable. Tout le monde est gagnant. »

Il souligne l’importance de l’initiative, non seulement pour les bienfaits des visites, mais aussi parce qu’elle permet de démystifier certains préjugés à l’égard de la police.

« Les gens réalisent, se réjouit Stéphan Laliberté qui indique que le rôle de la police est de servir la population. Ça change les perspectives et même à l’interne au niveau du service et des intervenants avec qui on travaille. » 

Vu son succès, le SPVQ est ouvert à partager son programme avec les autres services de police au Québec.

L’histoire du programme

Stéphan Laliberté explique que dans les années 2000, le service de prévention au SPVQ proposait différentes actions pour les aînés, notamment des kiosques lors d’activités ou des conférences de prévention dans des résidences.

Il raconte que dans un immeuble de 100 personnes prévenues de la visite du SPVQ, seulement une dizaine de résidents répondait à l’appel.

« Ce ne sont malheureusement pas ceux qui sont nécessairement concernés qui viennent, note-t-il. Ceux qui vivent quelque chose ne seront pas là. Ce n’était pas vraiment utile. » 

Malgré l’impopularité des activités, lui et ses collègues se doutaient qu’il y avait des enjeux réels vécus, mais toute la difficulté était de les rendre visibles en donnant la parole aux personnes aînées. En effet, la maltraitance est souvent peu reconnue et peu dénoncée.

« Je le savais par expérience, poursuit le responsable. Ce n’était pas tant par les appels au 911, parce que ces gens-là n’appellent pas. On apprenait les histoires par la bande. On apprenait les problèmes par des voisins ou membres de la famille. »

En effet, il explique que la plupart des aînés évitent de contacter la police parce qu’ils ont peur de déranger. « On est à leur service, lance-t-il. Il ne faut jamais qu’ils soient rebutés de nous appeler. Ils ne dérangent jamais. »

Incapable de rejoindre les « bonnes personnes », Stéphan Laliberté a décidé de créer un programme ciblé conçu sur mesure pour les aînés. À partir de 2012, il a commencé à réfléchir au meilleur moyen « de faire autrement ».

Avec l’appui d’un de ses patrons, le lieutenant Raynald Bisson, il a réussi à obtenir du temps libre et se départir de certaines de ses tâches d’agent senior pour créer le programme.

« Je me disais qu’il fallait qu’on aille voir les gens chez eux, aller avec les étudiants en Techniques policières frapper aux portes, rencontrer les gens dans leur salon pour parler avec eux », précise Stéphan Laliberté.

En 2014, après deux ans de travail assidu, le programme À la rencontre des aînés est né. Les étudiants en Techniques policières bénévoles ont commencé à rendre visite aux aînés dans les édifices de l’Office municipal d’habitation de Québec (OMHQ) à l’automne et dans les résidences privées à l’hiver.

La primauté du sentiment de sécurité

Stéphan Laliberté explique que l’objectif du programme est d’abord d’accroitre le sentiment de sécurité des résidents aînés. Pour le dire simplement, le but est qu’ils se sentent bien dans leur vie quotidienne, capables de sortir et de pratiquer les activités qu’ils souhaitent.

C’est d’ailleurs la priorité pour le responsable que les aînés sentent et savent que « la police s’occupe d’eux et va faire ce qu’elle peut pour les aider ».

Le second objectif est de diminuer la vulnérabilité et le risque de victimisation chez les aînés isolés ou vivant seuls. Finalement, le but est aussi de détecter les situations de maltraitance, qu’elles soient criminelles ou non, et de faire cesser les abus.

Stephan Laliberté explique que le programme est mené en partenariat avec l’Office municipal d’habitation de Québec (OMHQ) qui intervient dans des cas particuliers pour apporter des corrections.

Par ailleurs, les rencontres avec les aînés permettent aussi aux policiers de recevoir des informations utiles et pertinentes qui peuvent parfois servir aux enquêtes criminelles.

L’agent senior présente cet aspect du travail des policiers sous une forme métaphorique. « On passe là et on lève la poussière, dit-il. On dépoussière ce qu’ils vivent en dedans. »

C’est-à-dire que les discussions permettent parfois au SPVQ de récupérer ce qui touche le renseignement criminel, les signalements à la DPJ ou le trafic de drogues.

Elles permettent aussi aux policiers de prendre connaissance des problèmes de flânage, des troubles observés autour de la résidence et de tout ce qui concerne la Ville comme le temps accordé aux piétons pour traverser la rue, l’état des parcs ou le déneigement.

Les policiers peuvent alors faire le suivi avec les instances ou organismes concernés. Le volet social, notamment les problèmes de santé mentale et de pertes cognitives, est récupéré par les intervenants sociaux.

Comment se déroule une rencontre ?

Les visites porte-à-porte sont menées par des étudiants en Techniques policières accompagnés de constables policiers. L’objectif pour eux est de rencontrer tous les résidents d’immeubles ciblés à Québec.

Lors des visites, les aînés doivent répondre à un sondage qui prend la forme d’une discussion spontanée, pour une durée de 10 à 20 minutes. « On jase », note Stéphan Laliberté, ce qui a l’avantage d’encourager la confidence.

L’initiative est-elle bien reçue ? « La plupart du temps, ils sont contents de nous voir prendre du temps pour eux », commente-t-il.

Toutefois, il arrive que certaines personnes refusent de parler à la police. Les étudiants procèdent dans ce cas à la remise des documents de prévention qui concernent notamment la fraude et ceux de l’OMHQ.

« On leur dit d’en prendre connaissance et de ne pas se gêner pour nous appeler », explique l’agent senior.

Une expérience qui transforme les étudiants

Par ailleurs, les étudiants reçoivent une formation pour détecter les cas de maltraitance. Le rôle du SPVQ est de les accompagner et de préparer la relève.

Depuis le début du programme, ce sont plus de 350 étudiants qui ont été encadrés et outillés. Chaque hiver depuis 2017, une formation théorique donnée par le responsable est offerte à 15 à 20 étudiants en Techniques policières.

À l’été 2019, un projet-pilote a été lancé pour la première fois alors que quatre étudiantes ont parcouru le territoire pendant la période estivale. Ce projet se poursuit depuis et une nouvelle cohorte débutera le programme à l’été 2023. Parmi ces apprentis policiers, quatre ont été engagé en 2022.

Stéphan Laliberté explique que l’expérience du porte-à-porte permet un réel passage de l’apprentissage de la théorie à la pratique.

« Tous les étudiants me disent : on est dans le réel, on est avec des vraies personnes et des vraies situations, affirme-t-il. Ce n’est pas une simulation. »

Les étudiants apprennent entre autres à se sortir d’une discussion, se placer dans un appartement et penser à leur sécurité. C’est notamment la première fois qu’ils s’assoient dans une voiture de police et entendent les appels en temps réel.

Certains étudiants réalisent que le métier de policier n’est pas fait pour eux et selon l’agent senior, c’est un aspect essentiel du programme.

« Je leur dis ; sentez-vous à l’aise si à la fin vous voyez que ça ne marche pas, explique-t-il. Si tu as de la difficulté à entrer en contact avec une dame de 80 ans qui fait ses muffins dans son appartement […] que tout se passe bien et que tu es gêné d’aller la voir, comment tu vas faire pour entrer si la foire est pris ? »

Il est bon pour les étudiants selon lui de se rendre compte qu’ils ne sont pas fait pour le métier avant de se rendre à l’École nationale de police du Québec à Nicolet.

« C’est tant mieux, ça leur permet de se réorienter », continue Stéphan Laliberté, citant l’histoire d’étudiants désormais préposé aux bénéficiaires et gérontologue.  

« Ça leur a ouvert les yeux, se réjouit-il. D’autres prennent conscience que c’est vraiment ça qu’ils veulent faire. » 

Maltraitance et négligence

Les cas rapportés le plus souvent aux policiers sont les abus financiers majeurs (les fraudes) et les crimes plus graves comme les menaces ou les voies de fait.

La majorité des ainés (7 victimes sur 10) connaissent l’auteur présumé du crime. Il peut s’agir d’un membre de la famille, d’un ami ou d’une connaissance comme un voisin.

Par ailleurs, les problèmes de maltraitance ne sont pas nécessairement criminel.

« Tout ce qui est commis qui amène un sentiment d’insécurité au niveau physique ou psychologique, comme se sentir contrôlé, être empêché de sortir (ça commence souvent comme ça) est de la maltraitance », explique Stéphan Laliberté.

De plus, il faut savoir qu’elle est parfois involontaire, comme lorsqu’il s’agit de négligence. Par exemple, un aidant naturel qui n’arrive plus à offrir les ressources par épuisement peut négliger une personne aînée.

« Ça peut être un monsieur qui crie parce qu’il n’en peut plus de donner le bain à sa mère », exemplifie le responsable.

Un autre problème observé est celui de l’auto-négligence aussi appelé le syndrome de Diogène. Il s’agit d’une personne qui vit dans un désordre extrême.

À ce sujet, Stéphan Laliberté raconte l’histoire d’une dame qui se réveillait chaque matin et faisait ses besoins à côté de son lit. Il explique que celle-ci réside maintenant dans un CHSLD après avoir reçu l’aide nécessaire.

« On doit donner des ressources pour que le SPVQ n’y retourne plus », résume-t-il.

Les aînés se confient

Par ailleurs, les visites dans le cadre du programme permettent à certaines personnes qui n’auraient jamais contacté la police de raconter ce qu’elles ont vécu dans le passé.

« C’est parce qu’on prend le temps que les gens nous le racontent », affirme Stéphan Laliberté.

Il cite en exemple le témoigne d’une dame de 95 ans soulagée après avoir avoué que son père a abusé d’elle lorsqu’elle était jeune. « Imaginez-vous l’expérience que c’est pour les étudiants de vivre ce genre de situation », commente le responsable.

À cela s’ajoute plusieurs autres récits marquants, comme celle d’une dame qui s’inquiétait parce que son petit-fils se faisait battre par son fils, mais qui n’osait pas en parler.

Stéphan Laliberté raconte aussi l’histoire d’un aîné qui avait l’habitude de vivre avec sa soeur. À son décès, il continuait à payer le loyer uniquement de sa poche, par fierté, mais ne pouvait s’offrir qu’un bol de céréales par jour à manger.

Pour tous les cas rencontrés, un suivi est fait avec les personnes concernées jusqu’à ce que le problème se résorbe.

« C’est un travail de longue haleine, note le responsable. Ça peut prendre des mois, mais ce n’est plus notre rôle de policier. C’est les travailleurs de milieu qui accompagnent les aînés pendant parfois très longtemps. »

Un travail collaboratif

Outre l’OMHQ et le Cégep Garneau, plusieurs nouveaux partenaires et des organismes communautaires participent au programme depuis 2017, dont l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées (AQDR) et l’Initiative de travail de milieu auprès des aînés en situation de vulnérabilité (ITMAV). La Capitale-Nationale compte au total 17 travailleurs de milieu.

L’AQDR et l’ITMAV sont responsables du volet social, de ce qui concerne entre autres les abus financiers, les confidences d’agressions que les aînés ne veulent pas raconter à la police, les problèmes de solitude ou de santé mentale.

Pour plus de détails, des outils sont disponibles sur le site de la Ville de Québec.

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