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Chronique : Le Monopoly de Limoilou

Quoi qu'on dise par Martin ClaveauMartin Claveau (Photo : archives Carrefour de Québec)

Par Martin Claveau

Récemment, je discutais avec Julie Bellavance, une fille qui s’implique au conseil de quartier du Vieux-Limoilou. Elle m’entretenait de ses démarches pour devenir propriétaire.

Julie habite en appartement pas loin de chez moi et me mentionnait à quel point c’est difficile pour une fille comme elle d’accéder à la propriété en 2023. Célibataire, elle adore le quartier et s’y implique activement. Elle est stable et a un très bon boulot, mais ce n’est pas évident.

Elle aimerait devenir propriétaire pour ne pas craindre d’être évincée de chez elle si jamais l’immeuble où elle demeure devait être vendu. Ce qui est très légitime.

Un autre membre du conseil, de quartier, Karim Chahine, dont la blonde est enceinte, aimerait, lui-aussi, éventuellement devenir propriétaire et nous en discutons à l’occasion. Tous les deux sont effrayés par les valeurs actuelles des propriétés et ils ont bien raison. 

Ce sont deux exemples de ces gens dont la présence enrichit le quartier à mon avis, mais pour lesquels celui-ci est de moins en moins abordable. À terme, ils risquent tous les deux d’être poussés vers l’extérieur en raison de l’explosion du coût des propriétés.

Le problème ne date pas d’hier et pas mal tous les secteurs, de pas mal toutes les villes, le vivent. Il est cependant très concret dans Limoilou présentement.

Quand on observe que les duplex se détaillent parfois à 700 000$ et les condominiums autour de 350 000$, près de chez moi, ce n’est pas évident de devenir propriétaire pour une personne seule ou pour une jeune famille. Avec la venue du tramway, la situation risque de se détériorer et l’accès à la propriété risque de devenir encore plus difficile.

À qui profite la gentrification de Limoilou? Éventuellement à moi bien sûr, un jour et à tous ceux qui sont propriétaires présentement. Mais, à mesure que les valeurs augmentent, la ville engraisse aussi ses revenus de taxes.

En fait, c’est surtout elle qui en bénéficie. Ça fait qu’elle s’accommode plutôt bien de la situation actuelle. Je trouve toujours que la ville parle des deux côtés de la bouche quand il est question de gentrification des quartiers.

D’un côté, elle souhaite que des jeunes et des familles s’installent en ville, mais de l’autre elle empoche le cash de ceux, souvent plus âgés, qui ont les moyens de se payer des propriétés au centre-ville.

Alors, à la longue, les familles comme celle de Karim et les filles dynamiques comme Julie s’en vont ailleurs et cèdent la place à deux radiologistes de Saint-François-d’Assise qui gagnent 700 000$ par année. Ils deviennent les seuls à pouvoir se payer des duplex à des prix de fous dans Limoilou.

Je n’ai rien contre les radiologistes, ils sont très utiles, mais leurs horaires de fous font en sorte qu’ils n’ont pas tellement le temps de s’impliquer dans le conseil de quartier. Quand on passe sa vie à sauver celles des autres, j’imagine que l’on n’a pas trop le temps de siéger au conseil de quartier et ça se comprend.

Ça fait qu’il serait grand temps que la ville favorise la rétention des jeunes qui ne sont pas radiologistes dans les quartiers centraux. Il est temps qu’on agisse, avant que Julie et Karim ne sacrent leur camp, comme plein d’autres qui sont arrivés dans Limoilou alors que la partie de Monopoly était déjà commencée depuis longtemps.

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