Par David Lemelin
Le vélo et le transport actif semblent à la mode? Oui, c’est vrai. À Québec, comme ailleurs, c’est de mieux en mieux. Mais, on est loin, très loin de la « culture vélo » qui fera de notre capitale une ville de vélos.
Évidemment, quand on regarde à l’étranger, ça donne le vertige : à Copenhague, plus de 40 % des déplacements se font à vélo, à Amsterdam, c’est plus de 30 %, à Tokyo, c’est 16 % et à Berlin, 13 %. À Montréal? Moins de 4% sur l’île. Québec? Même pas 2 %…
Va falloir pédaler!
En fait, Québec, pour l’instant, n’est pas une ville de vélos. Ni de piétons, d’ailleurs. C’est, encore, une ville de chars, c’est indéniable. Mais, se comparer aux autres a ses limites. Amsterdam est plat comme une planche d’échecs, aucune des villes mentionnées plus haut n’a l’hiver aussi rigoureux que le nôtre.
Dès lors, comparer des pommes et des planches de bois ne donne pas grand-chose. Il faut plutôt partir de notre réalité et combler les besoins, en fonction de notre géographie, notre climat et notre territoire, tel qu’il existe, et progresser, tranquillement.
Québec, c’est pas Copenhague. Faut quand même arrêter.
Nos défis
L’idée, au départ, est de passer du vélo récréatif au vélo utilitaire. Et c’est exactement ce qui est sur la planche à dessin, à Québec : faire en sorte de pouvoir aller au boulot ou à l’école, faire des courses, de façon sécuritaire et pratique.
Pour l’instant, ça rime surtout avec rabouter ce qui existe déjà, pour finir par faire des parcours liés et cohérents. Entre temps, les cyclistes doivent surtout être créatifs, inventer un parcours adapté qui rend la promenade moins pénible et risquée. C’est pas génial.
Il y a encore des lacunes évidentes. On peut circuler en basse-ville, assez bien, idem en haute-ville. De l’un à l’autre, c’est autre chose.
Et c’est presque le désert lorsqu’on se tourne vers les banlieues. Un comité de la Ville y travaille et c’est tant mieux. Cette lacune est importante et déterminante pour l’avenir.
Ainsi, il faudra consolider le réseau cyclable pour en faire un tout fluide et fonctionnel, été comme hiver (ou presque), incluant ce qu’il faut pour ranger les vélos.
Ça voudra aussi dire qu’on aura été capable d’offrir aux cyclistes des artères principales sécurisées qui éviteront qu’ils aient à mettre leur vie en péril pour aller à l’école ou au boulot.
Le corridor du bus est une avenue acquise à l’étranger, comme à Londres, par exemple, mais notre culture locale n’est pas rendue là. Changer les habitudes et une culture, on le sait, ça prend du temps. Beaucoup. De la patience…
Guerre à l’auto
Faudra aussi arrêter de parler de « guerre à l’auto ». Y a pas de guerre, mais une réflexion sur la façon de se déplacer à Québec. C’est sain et souhaitable.
Même si Marchand ne s’est pas fait élire en promettant un virage vert axé sur le vélo et la mobilité durable, il n’a pas vraiment le choix : le modèle du tout à l’auto est en fin de vie utile.
Si on pense plus loin que le bout de son nez, on comprend rapidement que le transport collectif et les déplacements actifs sont des solutions, pas des problèmes.
En revanche, quand on promet de donner accès à tous les moyens de transport, au choix, au goût de chacun, on propose là un discours qui ne tiendra qu’un bout de temps. Viendra, plus tôt que tard, le moment où il faudra sacrifier d’un côté pour équilibrer l’ensemble.
L’auto est partout. Si on veut faire de la place aux piétons, aux cyclistes, au bus et au tramway, à moins d’inventer de l’espace, il faut bien en prendre sur ce qui existe déjà.
Ça va heurter, ça va bousculer.
Faudra, en réalité, apprendre à partager la route. Et ça, ça vaut pour tout le monde! Faire attention, ce n’est pas bon que pour les automobilistes. Un piéton qui traverse, le nez sur le cellulaire, c’est dangereux. Idem pour un cycliste qui se fiche de l’arrêt obligatoire.
Les moyens de nos ambitions
Mais, avec 55 millions $ consacrés annuellement par le gouvernement du Québec au transport actif, c’est trop peu. Juste à Québec, il y en a pour 100 millions sur 5 ans dans les cartons. Les moyens ne correspondent pas aux besoins.
Comme dans toute chose politique, c’est une question de choix et de priorités. Le troisième lien, concept d’un siècle du passé, est tombé? Bien!
Utilisons des sommes dégagées pour les transports collectifs et actifs. De toute façon, collectivement, c’est beaucoup plus rentable, tant sur le plan de la santé que sur le plan des dépenses.
En somme, il faut réussir à faire du vélo un moyen de transport comme les autres.
Quand on y sera, on ne parlera plus de guerre à ceci ou à cela. Ou peut-être de guerre au réchauffement climatique. Ça, ça aura du sens.
Et se déplacer dans notre ville sera autre chose qu’une balade obligée dans un char. Et notre culture nord-américaine, axée sur la voiture, aura changé.
Pour le mieux.
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