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Agamemnon in The Ring : théâtre et lutte revisitent la guerre de Troie

Agamemnon in the Ring(Photo : site web du CIT)

Le Carrefour international de théâtre se poursuit. Si le parcours déambulatoire Où tu vas quand tu dors en marchant… ? fait honneur à la danseAgamemnon in the Ring mise sur la lutte pour captiver le public dans cette réinvention québécisée de la prise de Troie-Rivières. Le rire est définitivement au rendez-vous dans cette tragédie remaniée qui manque peut-être malgré tout un peu de modernité. 

Par Florence Bordeleau

Agamemnon en Grèce antique

Dans la mythologie, Agamemnon commande l’armée achéenne durant la guerre de Troie. Après la chute de la cité ennemie, il rentre chez lui mais est rapidement assassiné par son cousin Égisthe, devenu l’amant de son épouse Clytemnestre, qui elle-même tue Cassandre (la concubine d’Agamemnon). On considère Agamemnon comme le « Roi des rois », incarnant le profil type du souverain tout-puissant. 

Ce personnage tragique représentait donc sans aucun doute un terrain fertile à l’imaginaire et à la réactualisation pour les Créations Unuknu. Ce processus de réinvention des mythes grecs est assez à la mode, ces temps-ci, au cinéma ou au théâtre

… et Agamemnon dans l’arène de Troie-Rivière

Texte : Hilaire Saint-Laurent | Mise en scène : Sofia Blondin et H. Saint-Laurent | Musique : Fred Tremblay | Scénographie décor : David Poisson

En 1080 avant notre ère, lors de la célèbre guerre de Troie-Rivières, un gala de lutte se prépare. Agamemnon souhaite regagner la ceinture de la Légion nationale, subtilisée par de méchants Trifluviens durant une cérémonie. 

Le public réagit avec ardeur, c’est des ah ! et des oh ! bien sentis, des éclats de rire, des encouragements pour le roi Agamemnon que tout le monde prend à parti sans trop se poser de questions. Mais faudrait-il pourtant vraiment l’acclamer ?

Ici réside à mes yeux un premier élément de critique. La tragédie grecque, à laquelle la pièce emprunte le style — un destin tracé d’avance, des choix déchirants à faire — ne parvient pas à toucher le fond du genre, soit la réflexion philosophique. Le héros en est-il vraiment un ? Devons-nous vraiment l’encourager ? Les choix qu’il fait sont-ils les bons ? Pourquoi ? Son goût pour l’honneur et le combat, son égoïsme méritent-ils véritablement d’être félicités ? Et voilà qui permet de faire le lien vers le second élément qui peut décevoir : en 2024, en sommes-nous encore à glorifier des hommes qui se battent pour un objet ? Est-ce la manière de régler des conflits que nous devons promouvoir dans notre monde actuel, guetté par les enjeux de ressources, progressivement mises à mal par les dérèglements climatiques ?

Agamemnon encourage son public à le soutenir (Photo : site web du CIT)

En bord de plateau, Hilaire Saint-Laurent (texte et co mise en scène) soulignait avec beaucoup de justesse que les Grecs, jadis, réécrivaient leurs mythes à toutes les sauces pour les faire résonner avec l’actualité. Et Saint-Laurent le fait : avec beaucoup d’humour, il crée des parallèles avec la Révolution tranquille, n’hésitant pas à établir de subtils liens entre Agamemnon et René Lévesque. Mais le jeune dramaturge oublie peut-être toute la portée éducative que revêtait alors le genre. Cette portée éducative se déclinait tant dans la réflexion, dont j’ai déjà parlé, que dans les choix des héros, et par les exemples sociétaux proposés. Une réécriture plus visionnaire des rôles féminins et de modèles de résolution des conflits aurait donc peut-être fait du bien – mais il est évident que cela n’aurait pas conduit à ces combats de lutte extrêmement divertissants et participatifs.

Un texte brillant

Le rire était au rendez-vous à cause du timing comique de la lutte et des apostrophes aux spectateurs, pour l’occasion transformés en Mycéniens, adorateurs de leur roi tout puissant, mais aussi à cause du texte. 

En effet, composées en alexandrins, les répliques entrecroisaient vocabulaire soutenu et québécismes, éparpillant quelques sacres bien placés, ce qui soulevait à chaque fois la foule en délire. Ce type de discours rythmé ouvrait d’ailleurs la porte à des transitions vers la chanson. Le spectacle avait donc presque les allures d’un opéra rock, au grand bonheur de tous, qui se laissaient volontiers emporter par les mélodies composées par Fred Tremblay (en outre excellent dans son rôle d’Achille). Si nous manquions parfois une réplique ou une brillante référence (la nuit des longs couteaux ou le beau risque ne sont que des exemples parmi d’autres de ces parallèles historiques), nous pouvons nous rassurer : la pièce a été publiée aux Herbes Rouges. Des copies sont même en vente à la sortie de la salle. 

Agamemnon in The Ring se produira ce soir au Grand Théâtre dans le cadre du Carrefour international de théâtre pour une seconde et dernière fois. 

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