Je m’insurge, encore une fois, contre la mode, des saillies de trottoir. Vous savez, ces espèces de grossissements de bordures de rues destinés à faire ralentir les automobilistes quand ils arrivent aux carrefours. À travers le tohu-bohu de la construction, ces dernières années, les saillies de trottoirs se sont multipliées au rythme des écureuils en ville.
Une chronique de Martin Claveau
Bien sûr, je ne suis pas cave à plein temps et je reconnais que plusieurs de ces enflures bétonnées sont pertinentes. Elles permettent à des écoliers, des personnes âgées ou des gens, qui ne sont pas très mobiles, de traverser des rues achalandées de façon sécuritaire. Il y a aussi celles où l’on plante des arbres, là où l’on n’en retrouve souvent pas beaucoup. Alors, ça me semble bien.
Cela dit, quand on retire à des gens leurs espaces de stationnements, en face de chez eux, pour planter un Ginkgo Biloba, ça passe un peu moins, mais je conçois que ça peut se défendre pour le bien commun de la planète ou quelque chose du genre…
Certaines saillies ne servent, en revanche, absolument à rien. Elles ne représentent souvent que du béton de plus dans des coins où, traverser ne représente aucun problème et la vitesse des véhicules non plus. C’est là où je décroche, quand elles apparaissent à des endroits où elles sont inutiles et n’apportent aucune valeur ajoutée à leur environnement. J’ai beau essayer de les comprendre, quand elles me dévisagent, je ne vois souvent pas la logique à dépenser des sous pour faire ce genre de machin dans ces endroits-là.
Il y a des dizaines d’exemples de ce phénomène urbain en voie d’apparition un peu partout. Près de chez moi, à Limoilou, sur la 4e rue, au coin de la 2e avenue, il y a quelques années, la mère de toutes les saillies inutiles est apparue. Il n’y a pas d’arbre et très peu de piétons qui traversent là. En fait, tout ce que je comprends de cet étrange gonflement, c’est qu’il a retiré une voie de circulation aux centaines de véhicules qui passent par-là. On a généré ainsi des problèmes de congestion là où il n’y en avait pas en tentant, du coup, de convaincre des gens, qui attendent dans leur char, de prendre l’autobus qui est bloqué devant eux.
Mon 2e exemple se trouve toujours sur la même 4e rue, mais cette fois, au coin de la 8e avenue. À cet endroit, on a édifié, non pas une, mais bien deux grosses saillies bien dodues qui nous interpellent de leur non pertinence. Celles-ci ne représentent en fait qu’un ilot de chaleur, de plus, dans un coin qui en est déjà infesté. Qui plus est, à cet endroit précis, d’ici quelques mois, la ville s’apprête à refaire la piste cyclable de la 8e avenue. Je gagerais donc ma chemise et mon banc de bicycle, que ces deux belles et nouvelles saillies, dont le béton sèche encore, risquent de succomber au pic des requalificateurs urbains qui nous gouvernent durant l’exercice.
Quand on apprend que de construire une saillie de trottoir coûte minimalement 50 000$ et peut parfois atteindre 85 000$, selon les informations que j’ai obtenues, il me semble qu’on devrait s’assurer que celles qu’on met en chantier soient pertinentes et installées à des endroits où elles servent à quelque chose. Ça serait déjà ça de pris.
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