Ça ne faisait pas très longtemps qu’il était élu que Bruno Marchand lançait une phrase qu’il faut toujours prononcer avec prudence, tant elle peut être plus un cliché qu’un fait. Il avait dit, à propos de ce job de maire, qu’il était « sur mon X ».
Une chronique de David Lemelin
Ça, ça veut dire qu’il est à la bonne place, qu’il est en contrôle, qu’il est à l’aise, qu’il sait ce qu’il fait.
Avouez qu’en lisant cette définition, ce n’est pas exactement ce que vous pensiez de lui, après quelques semaines à la mairie. En fait, ni après des mois et des mois.
Rarement a-t-on vu quelqu’un aussi bien intentionné et mû par les meilleures valeurs du monde être autant empêtré dans son rôle politique. Visiblement, il était volontaire, passionné et sans doute très travaillant, mais certainement pas sur son X. Tout, mais absolument tout de ce boulot était un apprentissage. En somme, il était sur « son A », au début de l’alphabet. Pas sur son X, qui est tout près de la fin.
C’était parfaitement normal, cela dit. En politique, on a l’habitude de rassurer, pas de jouer parfaitement carte sur table. Ce n’est pas de la mauvaise foi, c’est un peu la règle du jeu : rassurez, ça va vous acheter du temps pour manœuvrer. Et puis, l’appareil municipal est là, il veille au grain, il est hyper compétent, donc ça ne peut pas déraper.
Oui, mais pas tout à fait. Rapidement, Bruno Marchand a été mis à rude épreuve. Et le coupable, c’est le tramway. Le nouvel élu s’est vite présenté comme le « capitaine Tramway », pour indiquer clairement son appui inconditionnel et la mission qu’il se donnait, à savoir celle de « vendre » le projet aux citoyens.
Là-dessus, la mission a été beaucoup plus difficile qu’il ne le prévoyait. Il n’a pas échoué en ce qui concerne la poursuite du projet : de fait, le tramway est toujours vivant. Ou, il n’est pas encore mort, on ne sait plus. En revanche, il a échoué complètement dans la vente du projet. Il n’est pas le seul fautif : il a eu la machine de François Legault dans les pattes du début à la fin. Jamais le premier ministre et son équipe n’ont été (franchement) derrière lui. Toujours, ils ont sorti des troncs d’arbre pour les mettre dans ses roues de vélo. Le maire s’est donc retrouvé au sol, les fers en l’air.
J’ai écrit qu’une personnalité plus forte et expérimentée n’aurait pas souffert comme il a souffert des manœuvres du gouvernement Legault. Je le crois toujours. L’Allier n’aurait jamais accepté d’être traité comme ça. Boucher non plus. Imaginez Labeaume…
Ainsi, un peu comme Trudeau au fédéral, la faiblesse du leader conduit à l’émergence d’une force d’opposition profondément indésirable, mais qui devient incontournable (Poilièvre au fédéral) ou d’une vigueur inattendue (Hamad). Ça vient avec la définition de tâche, je vous l’accorde : diriger une capitale, c’est du sérieux. Diriger un pays aussi. Il est donc normal que nous soyons exigeants et que les ratés se paient cher.
Reste que, si on peut faire un bilan, il est difficile de ne pas être déçu de ce que nous avons sous les yeux, aujourd’hui. À quelques jours de 2025, le tramway n’est pas le marché conclu qu’on nous laisse croire, la ville a des enjeux sérieux qui appellent un leadership fort et juste. Je n’estime pas la chose impossible, je crois seulement que les bouchées doubles ne suffiront pas. Ça prend un plan de match où chaque jour de la prochaine année sera poussé à son maximum. Certes, il y a de belles et bonnes réalisations, notamment la volonté sincère d’accorder au vélo et au transport actif une place de choix alors que la somme de nos croûtes à manger à ce chapitre est encore colossale.
Pourtant, la dernière année du premier mandat de Marchand débute et je ne peux m’empêcher de penser à ce qui n’arrive jamais à un maire après un seul mandat à Québec : il peut vraiment perdre en novembre prochain. Et contre Hamad!
Misère…
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