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Faussaire gratte les couches du tableau

Faussaire, présentée au Théâtre Périscope jusqu'au 29 mars, est une œuvre qui, par les codes de l’enquête documentaire et de l’humour, pose des questions sur notre rapport aux faits, au mensonge et à la valeur de l’art. (Crédit photo : Stéphane Bourgeois)Faussaire, présentée au Théâtre Périscope jusqu'au 29 mars, est une œuvre qui, par les codes de l’enquête documentaire et de l’humour, pose des questions sur notre rapport aux faits, au mensonge et à la valeur de l’art. (Crédit photo : Stéphane Bourgeois)

Dans la pièce Faussaire, qui prend la forme d’une enquêtedocumentaire, Blanche Gionet-Lavigne s’intéresse au monde de l’art. Et, à travers lui, à la distinction entre le vrai et le faux.

Par Estelle Lévêque

La pièce Faussaire est le résultat de près de cinq années de recherche, écriture et création pour Blanche Gionet-Lavigne. Tout débute avec une œuvre d’art. Un héritage familial qu’elle reçoit et qui, très vite, semble dissimuler plus qu’un portrait un peu inquiétant. Éveillée par son entourage proche, Blanche, qui joue son propre personnage, retrace le fil du tableau. Cette recherche la mène auprès de plusieurs intervenants. Parmi eux, l’ex-inspecteur de la Sûreté du Québec Alain Lacoursière -surnommé « le Columbo de l’art au Québec »-, un faussaire du quartier Saint-Roch et une galeriste de la rue Saint-Paul.

Au cœur de l’enquête

Quiconque se montre un tant soit peu curieux entrera assez vite dans le récit de Blanche. Une curiosité certainement nourrie par l’affirmation, dès le début de la pièce, que tout le récit qui suit est vrai. De là, on suit les entrevues, les questionnements et la mise en action de Blanche pour déceler la vérité qui se cache derrière l’œuvre.

Du début à la fin, Faussaire explore le monde de l’art et en ouvre de nombreuses portes. Sans creuser plus en détail chacune des questions abordées, l’auteure traite son sujet sans se mettre de barrières. Ainsi, elle illustre le premier regard que l’on porte sur une œuvre, et notre goût individuel pour celle-ci. Puis, l’impact de sa valeur monétaire sur notre jugement, la valeur sentimentale que l’on peut entretenir avec. Par le biais de ses découvertes sur la pratique de faussaire, elle plonge dans le chemin d’une œuvre. Depuis son auteur, officiel ou officieux, jusqu’à la définition, par autrui, de sa légitimité réelle ou présumée.

Visuellement, la pièce fait le choix d’un décor épuré, qui s’efface pour laisser toute la place à l’œuvre. Par des jeux de lumière et de projection, la narration nous amène habilement d’une époque à l’autre et, avec elles, d’une pratique de l’art à une autre. Ainsi, on passe naturellement du plateau montréalais des années 70 aux coupures de journaux des années 2000, jusqu’au contemporain d’une vidéo captée à l’Iphone, de l’intelligence artificielle et du deepfake.

(Crédit photo : Stéphane Bourgeois)

Il importe de souligner les performances des trois comédiens, et notamment de Sarah Desjeunes Rico et Paul Fruteau de Laclos. Le duo apporte, avec beaucoup de générosité, humanité et vie à la pièce. L’exagération assumée qui émane des personnages caricaturaux écrits par l’auteure illumine avec humour une base de récit parfois très factuelle.

Sous les couches de peinture

S’il y a bien un contexte dans lequel on ne peut recevoir de certificat d’authenticité, c’est lorsqu’il s’agit d’attester de sa propre transparence. Ainsi, la pièce prend un tournant lorsque Blanche s’arrête sur ses questionnements intimes et personnels, au coeur de sa propre démarche artistique. Avec un jeu sincère et une plume nuancée, Blanche Gionet-Lavigne dépeint le sentiment de doute, la question du mensonge en nous, et la difficulté de cerner son « vrai moi ».

En sachant manier le déroulement du récit dans le temps, la pièce s’inscrit parfaitement dans la thématique saisonnière du Périscope. Blanche Gionet-Lavigne nous raconte, en temps réel, le chemin parcouru. Tantôt auteure, actrice ou personnage, Blanche fait exister plusieurs versions d’elle-même, et jongle au fil du récit entre ces différentes facettes. Elle trempe un orteil, puis deux, dans l’océan de l’autofiction. Avec humour, elle jongle avec ces réflexions méta -comme elle s’amuse à les définir- qui n’en finissent plus, et amènent le public avec elle dans ces rebondissements narratifs, pour une mise en abyme délicieuse qui nous captive jusqu’à la fin.

Texte : Blanche Gionet-Lavigne. Mise en scène : Blanche Gionet-Lavigne et Patrick R. Lacharité. Avec Blanche Gionet-Lavigne, Sarah Desjeunes Rico et Paul Fruteau de Laclos. Dramaturgie: Vincent Massé-Gagné. Conception décors, costumes et accessoires: Géraldine Rondeau. Conseillère en écoconception et assistance à la scénographie: Marie McNicoll. Vidéo: Emile Beauchemin. Musique originale et environnement sonore: Alexis Blais. Une production de Parabole, au Périscope jusqu’au 29 mars.

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