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MC Gilles : Mordu de radio

MC GillesPhoto : Radio-Canada

Québec — Partageant son temps entre Montréal et Sainte-Anne-de-la-Pérade, MC Gilles reste un fier ambassadeur de Québec, sa ville natale. Malgré son horaire chargé, il trouve toujours du temps pour enregistrer son émission à CISM même si c’est au milieu de la nuit. Entrevue condensée avec un mordu de la radio et du terroir.

Par Marie-Claude Boileau

Tu as grandi à Sainte-Foy. Quel genre d’adolescent étais-tu?

Je suis excessivement timide. Aussi, j’étais studieux. C’est la radio qui m’a aidé parce qu’on n’a pas l’impression d’être devant un public. Pour être franc, c’est pour ça que j’ai un personnage. Je peux me cacher derrière.

Tu as géré le marché aux puces de Sainte-Foy. Qu’est-ce que ça t’a appris?

À peu près tout. À 18 ans, j’avais 17 employés et je gérais un budget de 300 000$. La Ville de Sainte-Foy était notre boss, mais il n’y avait pas de fonctionnaire le weekend. C’était nous qui étions complètement en contrôle de ça. Il y avait 500 tables et 10 000 visiteurs. Un marché aux puces, c’est le meilleur et le pire de l’humain. Tu as le commun des mortels qui vend au côté de voleurs de radio de char. J’ai fait ça durant 3 ans. J’ai compris que l’être humain n’est pas fondamentalement bon, mais qu’il a des intérêts. Tu as toujours mille situations à gérer en même temps. C’était aussi de la médiation de 5h le matin à 22h. Ç’a été une belle démonstration de ce qu’il se passe dans la vraie vie. Mes plus belles années, mais aussi les plus difficiles. Je trouve qu’au Québec on est des jetteux dès que quelque chose n’est plus bon. C’est là que j’ai commencé à ramasser des disques et que j’ai une banque que les Archives nationales n’ont pas.

Qu’est-ce qui t’a amené à étudier en politique?

Je suis un fan de la politique. C’est mon téléroman préféré. Les sciences politiques, c’est l’analyse du pouvoir et ma spécialité était les médias. Ma première job était de gérer CHYZ où j’ai piloté un dossier auprès du CRTC. Techniquement, j’allais plus vers la gestion du règlementaire en radio. Quand je suis arrivé à Montréal, j’ai géré CISM pour le renouvellement de sa licence. Pour le plaisir, je me suis mis à faire de la radio sous un pseudonyme afin de différencier la personne qui était le gestionnaire et le comique. On m’a appelé pour faire autre chose et aujourd’hui, j’en vis.

Quel a été le déclic pour faire de la radio?

Je suis un gars de radio depuis toujours. J’avais une émission humoristique et satirique avec des amis à l’époque de Radio Campus Laval. C’est le médium le plus intéressant parce qu’il est accessible et que tout est relativement possible à peu de frais. Il y a aussi plus de contenu autant en humour qu’en actualité. Je suis content de voir que les radios parlées fonctionnent bien. Elle a trouvé sa force, c’est-à-dire faire du contenu. Si je pouvais vivre que de la radio, je le ferais.

Tu possèdes toujours ton émission à CISM. Pourquoi?

Avec la radio universitaire, il y a une liberté plus que totale. J’ai deux heures où je contrôle entièrement mon produit. J’ai un créneau unique parce que j’ai une collection infinie de musique qui n’a pas de bon sens. La moitié de l’émission provient de choses que les gens m’envoient. Je suis diffusé dans sept villes comme Joliette la plus récente, Québec, Sherbrooke et Toulouse en France. Aussi, je me suis battu pour elles. Pour être franc, avec mes horaires, j’ai fait du 110 heures semaine à l’automne, c’est difficile. Je me suis fait un petit studio chez moi. Il y a des émissions que j’ai enregistrées de nuit parce que c’était le seul moment qu’il me restait. Je veux continuer, car c’est un beau terrain de jeu.

Est-ce que Infoman a été ton premier contact avec la télé?

J’ai travaillé pour Télécom 9, l’ancêtre de MaTV. Je n’étais pas très bon caméraman, car je tripais sur Musique Plus et que je prenais des plans croches. Ce sont les gens au costumier de Radio-Canada qui m’écoutaient à CISM et qui ont parlé de moi à Infoman. Ils m’ont invité pour une chronique. Ils ont trouvé que j’avais l’air sympathique. Puis, ça s’est poursuivi occasionnellement jusqu’à je deviens permanent. Mes images ne sont pas professionnelles, mais c’est ce qu’on veut avoir. Je crois que j’ai plus de confidence en étant seul que si l’on arrangeait un invité qui aurait le temps de préparer sa cassette. Les images sont moins belles, mais le contenu est meilleur.

Aurais-tu imaginé animer une émission comme Paparagilles?

Non. Je ne suis pas carriériste. Quand ça se terminera, parce que c’est un milieu éphémère, je vais faire autre chose. À 42 ans, j’ai fait des tonnes d’affaires. J’ai géré des compagnies, j’ai déposé des projets au CRTC, j’ai fait de la radio, de la télé, de l’humour, de la scène et un CD. La seule chose que je n’ai pas faite, c’est de sortir un livre! Je n’ai pas le temps. J’ai eu une expérience à V qui n’a pas été facile parce que j’étais habitué à gérer mes affaires. Lorsqu’on m’a offert Paparagilles, c’était avec la même équipe qu’Infoman. On se demandait si le milieu artistique avait le sens de l’humour et le deuxième degré pour comprendre. Je pense qu’après deux saisons, oui. Les cotes d’écoute sont bonnes, la réaction est le fun et on est renouvelé.

Depuis quelques années, tu prends ton vrai nom pour des émissions. Qu’est-ce qui t’a amené à faire ce virage?

Ce n’est pas ma décision. J’aurais gardé MC Gilles parce que je suis très protecteur de ma vie privée. La seule place où j’utilise mon vrai nom est à C’est juste de la télé à la demande du diffuseur. Ils disent que si je parlais sous un pseudonyme probablement que je ne dirais pas tout ce que je pense alors que le style de l’émission est d’être honnête. C’était une condition pour signer le contrat. Je leur ai exprimé mon point de vue, mais eux préféraient ça. J’ai donc accepté. Autrement, quand je fais des choses sérieuses, j’utilise mon vrai nom. Personnellement, dans le milieu, je préfère utiliser le pseudonyme parce que la «personne» publique, c’est McGilles. Je fais une séparation entre les deux. Je sais que si quelqu’un m’appelle McGilles, c’est qu’il me connaît de la télévision.

Combien de disques possèdes-tu?

Ça fluctue. Chaque été, je classe. Ce que j’ai en double, je le donne ou je le fais tirer. J’ai une maison de campagne à Sainte-Anne-de-la-Pérade et mon problème est que j’ai de la place. J’ai dû baisser entre 20 000 et 25 000. Ça comprend 200-300 boites de 45 tours pas triées. Lorsque ça va ralentir, je vais revenir à l’archivage. Plusieurs cherchent par exemple telle chanson pour une sœur décédée, dans ce cas-là je le fais gratuitement, car ça me fait plaisir ou alors RDS veut les disques d’Henri Richard. Pour moi, tout est bon. Je ne fais pas de snobisme. Je garde tout, car je sais qu’un jour ça pourrait être utile.

Trouves-tu qu’on manque d’autodérision au Québec?

Oui. J’enseigne aussi les réseaux sociaux à l’École de l’humour. J’essaie de leur montrer deux choses. Premièrement, les gens parlent trop au «je» ce qui est une erreur. La force d’Internet, ce sont les réseaux, le «nous». Deuxièmement, c’est l’autodérision, car il y a trop de monde qui se prenne au sérieux. Je le vois avec Paparagilles. Je trouve que les artistes qui comprennent qu’ils ne sont pas en contrôle de tout ont un avantage. C’est là que tu peux décoder si un artiste fait le métier pour les vraies raisons.

Pour ou contre avec MC Gilles

  • Le Carnaval? Pour. Parce que je suis un nostalgique. Par contre, il faut rajeunir le concept. L’Igloofest à Montréal fonctionne très bien. Il faut incorporer de jeunes gens dynamiques pour amener de nouvelles idées.
  • Les camions de rue à Québec? Pour. Je me suis battu pour en avoir à Montréal. Québec est une des plus belles villes au monde. Ce n’est pas une compétition aux restaurateurs. C’est le fun de pouvoir goûter à de la bouffe gastronomique pour 9$.
  • Jeux olympiques à Québec? J’ai été très déçu en 2002 lorsqu’on s’est fait fourrer à cause de la corruption. Je serais pour à la condition que ça s’autofinance comme à Calgary.
  • La vie en campagne? Pour. J’habite en région et dans mon village il y a une maison sur deux est à vendre. La moyenne d’âge de la population est d’environ 70 ans. Et je vis dans village sur le bord de la 40. Les campagnes se vident, les jeunes quittent étudier dans les grands centres et ne reviennent pas. À mon avis, l’occupation du territoire est le défi du 21e siècle. J’ai un bureau à Montréal et une maison en campagne, c’est possible de travailler à distance grâce à Internet. On aide toujours Montréal et Québec, il faudrait aider les petites places sinon elles ne s’en sortiront pas.

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