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Mononc’Serge : Le droit à l’incohérence

Mononc’SergePhoto: Matt Smilenot

Lorsqu’on assiste à un spectacle de Mononc’Serge, on souhaite secrètement qu’il aille au-delà des bornes, osant ce qu’on n’oserait pas soi-même. On adore l’imagination fertile de ce fin raconteur, ses dérapages verbaux et musicaux, ses distorsions. Serge Robert est conscient de ce rôle d’exutoire et de soupape qu’il tient. «Ce plaisir, ce petit frisson fripon» qu’est la transgression, son œuvre en est traversé depuis vingt ans. Avec «Révolution conservatrice», il dévie de la voie trash pour emprunter une trajectoire qu’il qualifie de plus sérieuse et glauque.

Par Susy Turcotte

«L’indifférence» m’a bouleversée. J’étais attristée par le sort de ce laissé-pour-compte, son sentiment d’inexistence.

Serge Robert : Tout ce que le personnage fait, c’est de la musique dans son coqueron. Dans mon for intérieur, parfois j’aimerais être comme ce personnage complètement en marge de la société, qui ne se mêle à rien, un outsider total. J’ai une tendance naturelle qui va dans ce sens, être assez indifférent. Si je pouvais me laisser aller à ça, je pourrais partir dans une direction où je dirais : «Fuck toute, fuck tout le monde, je fais rien, je me crisse sur le B.S. Je reste chez nous à longueur de journée. Je fais ce que j’ai envie de faire, je fais des tounes. Cette tendance chez moi est compensée par un intérêt pour les débats publics. Des fois j’aimerais être comme ça, je me permets de l’être le temps d’une chanson.

«Chanteur professionnel», est-ce un peu toi?

S.R. : J’ai imaginé un personnage qui roule la nuit et combat le sommeil. J’avais en tête un chanteur de club, à la rigueur un chansonnier dans un band hommage. Ça repose sur ma propre expérience de rouler la nuit en auto après les spectacles et d’être fatigué.

Peux-tu me présenter «L’amour est plus fort que la langue»?

S.R.. : Je suis quelqu’un de très attaché à la défense de la langue française. Aujourd’hui, on oppose toujours la langue française à l’ouverture sur le monde, que j’appelle «l’amour» dans mon morceau. C’est devenu suspect de vouloir défendre la langue française. J’essaie de dépeindre de façon un peu ironique l’état d’esprit que je crois déceler dans notre époque. Quand j’étais jeune, les gens sortaient en masse pour aller manifester pour loi 101. C’était une valeur forte. J’ai encore ça en moi cet amour pour la langue française et le désir de préserver le français dans notre coin d’Amérique. Si on n’y tient pas avec une certaine fermeté, on va la perdre. C’est du pur délire quand tu es soupçonné d’être raciste parce que tu défends ta langue. Ça m’attriste. Notre volonté de résister à ça puis de garder notre identité, notre langue, elle s’affaiblit.

Si je te demandais de répondre sérieusement à la question «Pourquoi Mononc’ joues-tu du rock’n’roll»?

S.R. : J’ai commencé à faire de la musique dans la vie pour me faire des amis, me promener. J’étais au secondaire et j’aimais la musique. Tu peux aimer la musique, puis juste en écouter ou seulement juste en jouer chez vous. Monter des projets me permettait de rencontrer des gens et de sortir de mon sous-sol où j’étais confiné devant mon ordinateur. Je brisais mon isolement social. Je serais bien malheureux aujourd’hui si je cessais de faire ça et que je me retrouvais à faire la même job au même endroit tous les jours. Je suis quand même privilégié de faire ce métier, de gagner ma vie.


Mononc’Serge viendra poser ses pancartes électorales du Parti révolutionnaire conservateur du Québec à l’Impérial, le 12 juillet, lors du Festival d’été. Chef de ce parti bidon, le chanteur sera accompagné par ses musiciens, futurs ministres. Les dissidents, les partisans du silence, les morons aux mille visages, les amoureux de la langue française y sont bienvenus.

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