Tout près de chez moi, au pied de mon immeuble, on trouve des grands conteneurs à déchets et à recyclage. Et j’y aperçois régulièrement au moins deux hommes qui passent pour y dénicher les quelques bouteilles pouvant être récupérées à la consigne.
Chaque fois, je suis tiraillé entre l’idée de faire semblant de rien, par respect, parce qu’ils font preuve d’une grande discrétion et n’ont visiblement pas envie de donner un spectacle… et l’idée de les regarder, de chercher leur regard, ne serait-ce que pour leur offrir un sourire.
La pauvreté existe. Elle est là. Tout près de nous. On la côtoie, sans s’en rendre parfaitement compte. Je ne sais pas si c’est une marque de respect de ne pas faire de vague ou si ça contribue à glisser le problème sous le tapis.
Pas évident.
J’allais prendre le bus, il y a quelques temps, en partant de Jonquière. Dans un conteneur à déchet, je vois le visage d’un homme qui me regarde par la « fenêtre » de son improbable demeure. Il me dit quelques mots, polis. Je souris, puis je monte dans le bus, sous le choc. Il dort dans le conteneur pour la nuit. Il fait pourtant froid.
Ce n’est pas que je ne sais pas que ça existe. C’est qu’on l’oublie. Trop. La pauvreté, c’est pas sexy. C’est pas non plus captivant comme un scandale. C’est une violence tout en douceur, c’est ancré à un point tel qu’on ne la remarque presque plus.
C’est pour ça, notamment, que j’ai ce perpétuel malaise avec la Guignolée des médias. C’est bien, oui. Mais, ça me donne l’impression qu’on se console, collectivement, de ne parler de pauvreté que quelques fois par année. Je feel pas bien, chaque fois.
Dans mes émissions de télé, dans mes chroniques à la radio, j’abordais le plus souvent possible le sujet de la pauvreté à Québec et au Québec. Souvent, j’avais l’impression de forcer le jeu. Ce n’est pas de la mauvaise foi, à mon avis, de la part des collègues ou du public. C’est juste… que ça n’attire pas l’attention. Comme cet homme qui passe le matin, sans bruit, ramasser nos bouteilles. Comme une fatalité.
La pauvreté existe. Le Québec, ce n’est pas le tiers monde, mais il n’en est pas exempt. Selon la mesure du faible revenu après impôts, 9 % des Québécois avaient, en 2017, moins de la moitié du revenu médian pour subvenir à leurs besoins, des gens qui n’avaient donc pas le nécessaire pour participer pleinement à des activités normales en société (IDQ, 2019). C’est une personne sur 10, pour dire simplement les choses.
Il y a des inégalités chez nous, il y a de la pauvreté, des gens qui ne mangent pas à leur faim. Des enfants qui partent à l’école sans avoir déjeuné.
C’est pas pour faire pleurer dans les chaumières. J’en parle, parce que le silence violent de la pauvreté m’écorche les oreilles.
Alors, je fais du bruit, avec ces quelques mots…
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