Les organismes Accès transports viables, le Collectif pour un transport abordable et accessible à Québec (TRAAQ) et le Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale (RGF-CN) ont procédé au lancement de la plateforme web Femmes et mobilité. L’objectif de ce projet est de mettre en lumière les enjeux et les conséquences du déficit de mobilité des femmes, en particulier chez celles en situation de pauvreté.
La plateforme, lancée officiellement le 16 mars, vise également à sensibiliser la population ainsi que les décideurs et, surtout, à faire connaître des pistes de solutions. Elle s’inscrit plus largement dans le projet Femmes et mobilité, mené de concert par Accès transports viables, le TRAAQ et le RGF-CN.
Cette ressource en ligne est « le fruit de la convergence de plusieurs organismes », dit MARIE-SOLEIL GAGNÉ, coordonnatrice au développement chez Accès transports viables, lors d’un entretien téléphonique.
Les instigatrices du projet Femmes et mobilité se sont rencontrées en 2019 au lancement du rapport Les besoins des femmes en matière de pauvreté et de transport. État des lieux dans la Capitale-Nationale. Ce rapport fut réalisé par le RGF-CN. Il mettait au grand jour les réalités méconnues et vécues par les femmes en matière de transport.
Par cette nouvelle plateforme, « on vise à sensibiliser la population et les décideurs au déficit de mobilité des femmes et aux enjeux qu’elles rencontrent. Mais surtout, on présente des pistes de solutions : la mobilité durable, les aménagements urbains sécuritaires, la tarification sociale basée sur le revenu du transport en commun et l’analyse différenciée selon les sexes dans une perspective intersectionnelle (ADS+), par exemple », soutient Mme Gagné.
Droit collectif
« La mobilité est un droit collectif qui nous permet d’exercer d’autres droits comme l’école, le travail et l’accès aux services essentiels », martèle la coordonnatrice.
Les femmes sont cependant plus nombreuses à avoir un déficit de mobilité. C’est particulièrement vrai pour les mères monoparentales, les femmes seules et les femmes en situation de pauvreté, font remarquer les organismes porteurs du projet.
« Le taux de non-mobilité est de 18% pour les femmes de la Capitale-nationale, à savoir qu’elles ne se sont pas déplacées. Plusieurs facteurs (économiques, géographiques ou physiques) peuvent expliquer cette statistique », ajoute Marie-Soleil Gagné.
Dans la région de la Capitale-Nationale, la pauvreté des femmes demeure, avec 12 % des femmes vivant sous le seuil de la pauvreté et avec un écart salarial marqué entre hommes et femmes, indiquait le RGF-CN en 2019.
À Québec, les femmes sont plus nombreuses (58 %) que les hommes à être utilisatrices du RTC et du STAC. Or, le temps de déplacement en transport en commun est plus long, ce qui affecte l’accès à l’emploi des femmes, la conciliation famille-travail-études et la santé, selon Accès transports viables.
Les femmes, les mères monoparentales, les personnes seules et les personnes appartenant à des minorités visibles utilisent davantage les transports en commun, mentionne d’ailleurs Femmes et mobilité.
Enjeux
Cette plateforme soulève plusieurs enjeux comme l’accessibilité universelle, soit un environnement sans obstacles pour toutes les clientèles : personnes en situation de handicap, aînées, malentendantes ou immigrantes. Elle aborde également la question de la sécurité : sécurité routière, sécurité face à l’intégrité personnelle (face au harcèlement public, aux agressions physiques, aux agressions sexuelles); et sentiment de sécurité associé aux transports actifs et en commun.
« Des femmes vont faire en sorte de prendre des grands détours pour marcher dans des lieux plus éclairés », déplore Mme Gagné, en parlant de sécurité.
Parmi les autres enjeux, on note aussi « l’inégalité de genre dans la ville ». La gestion du temps social, professionnel et personnel n’est généralement pas la même selon les sexes. Les types de déplacements effectués et la complexité de ceux-ci sont aussi différents.
Par exemple, les femmes ont davantage recours au transport en commun et à la marche, selon Marie-Soleil Gagné, tandis que les hommes se servent plus de l’auto de manière individuelle et du vélo.
De plus, la plateforme rappelle également que les femmes sont minoritaires comme employées dans les domaines du transport et de la machinerie. Elles sont aussi minoritaires dans toutes les instances de pouvoir de la société: dans le monde politique (les députées et les cheffes de gouvernement); et dans les conseils d’administration des entreprises privées.
« On se rend compte que ces enjeux sont présents partout dans le monde », soutient Mme Gagné.
Influence et représentation
Les organismes à l’origine de Femmes et mobilité espèrent avoir une influence sur les instances décisionnelles et que leur message trouve écho auprès des pouvoirs municipaux.
Ils ont d’ailleurs participé à des consultations comme celles portant sur la Vision d’aménagement Wilfrid-Hamel–Laurentienne l’an dernier. En 2020, les organismes porteurs de la plateforme ont aussi déposé le mémoire La mobilité des femmes et enjeux environnementaux au Bureau des audiences publiques sur l’environnement (BAPE) dans le cadre du projet de construction d’un tramway à Québec.
Une future participation à la consultation sur la Vision de la mobilité active de la Ville de Québec est aussi prévue, selon Mme Gagné.
L’an dernier, ils ont également donné deux formations portant sur l’analyse différenciée selon les sexes dans une perspective intersectionnelle (ADS+) auprès des professionnels et professionnelles des secteurs municipaux et communautaires.
Selon Marie-Soleil Gagné, un projet lié à la mobilité à vélo verra aussi le jour à l’été 2021. Il sera destiné aux femmes en situation de pauvreté et aux nouvelles arrivantes. Il touchera autant à l’aspect moteur (comment monter à bicyclette pour les non-initiées, par exemple) qu’à la sécurité routière.
On peut consulter la plateforme Femmes et mobilité sur leur site Web.
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