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Centre de crise : Dissiper le brouillard

L'édifice du Centre de crise de QuébecL'édifice du Centre de crise de Québec

Un an après le début de la pandémie, plusieurs voudraient prendre un pas de recul pour en mesurer les effets. Toutefois, il n’est rien peut-être de plus éloigné des préoccupations de ceux qui doivent encore affronter la tempête. 

Comme l’expliquent les agentes en intervention de crise Barbara Martin et Marie-Christine Dubé, le Centre de crise de Québec est l’un de ces endroits où la poussière tarde à retomber. Cet organisme communautaire offre gratuitement des services spécialisés en intervention de crise auprès de la population de Québec âgée de 14 ans et plus.  

« Pandémie ou pas, on peut dire qu’on fait un travail intense, remarque Marie-Christine Dubé sur un ton surprenamment léger. Les gens en situation de crise perdent leurs repères d’un coup. C’est un peu comme si un incendie se déclenchait soudainement en eux. Nous, notre rôle est de calmer la situation. Il faut en quelque sorte aider l’autre à maîtriser les flammes. Ça implique d’aller se mettre un pied dans le brasier. »

« On peut se trouver en état de crise en raison d’un problème de santé mentale, mais aussi à cause d’une perte d’emploi, d’une rupture amoureuse, ou d’un traumatisme, ajoute Barbara Martin. Mais comme chaque situation et chaque personne sont différentes, aucune intervention n’est pareille à une autre. »  

Cette diversité est à l’origine de la philosophie de l’intervention pratiquée au Centre de crise. Celle-ci consiste à favoriser l’autonomie et la reprise de pouvoir, en mettant l’individu au centre du processus. 

« On travaille avec la personne, pas avec le diagnostic », font valoir d’une même voix les deux intervenantes.

Dans la brume

Le tumulte a passé, le travail des intervenants se poursuit. Pour Marie-Christine Dubé, il s’agit alors de prendre le temps nécessaire pour aider les gens à sortir de la confusion qui suit une crise et à retrouver un certain ordre. 

« Quelqu’un m’a dit une fois qu’il avait le brouillard, se souvient-elle. La mission du Centre de crise, c’est justement de faire en sorte de dissiper la brume pour permettre à ceux qui viennent de vivre une situation troublante d’y voir plus clair et de se reprendre en main. » 

Dépendamment des conjonctures, cela peut signifier de séjourner au centre entre quelques jours et un mois. 

« L’idée, dit Barbara Martin, c’est de s’arrêter dans un environnement calme pour dormir, manger à des heures régulières, et se laver. Malgré leur banalité apparente, ces petits gestes permettent vraiment de commencer à se réorganiser et à se reconstruire. »  

Ce qui a changé 

L’année de confinement a fait apparaître de nouvelles situations.

« Plusieurs personnes ont eu à faire appliquer des règles quand les consignes sanitaires se sont resserrées, explique Marie-Christine Dubé. Ce n’est pas tout le monde qui a bien vécu avec les exigences de cette nouvelle réalité. »

« On a aussi vu une hausse des problèmes de consommation, ajoute Barbara Martin. L’alcoolisme, pour ne donner qu’un exemple, est plus difficile à contrôler lorsqu’on est en télétravail. »

« Et la violence ! renchérit la première. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, on a vu ici une hausse marquée de violence faite aux hommes. Je ne parle pas seulement de violence psychologique, mais aussi de violence physique. Il y a malheureusement peu de ressources pour les hommes en détresse, alors c’est ici qu’ils appellent. » 

Les appels de détresse

Dans les derniers mois, les intervenants du centre ont dû faire face à des crises de plus en plus fortes. La directrice de l’établissement, Kathleen Giguère, en témoigne :

« On observe que la détresse des gens a considérablement augmenté, et ça, tout le monde en convient aisément. Alors peut-être ne me croirez-vous pas si je vous dis que nous avons reçu moins d’appels cette année que par le passé. L’affaire, c’est que ceux que nous avons eu et que nous continuons de recevoir sont pas mal plus longs. Il n’y a qu’à jeter un coup d’œil à leur durée pour le constater : alors qu’un appel durait en moyenne entre 15 et 20 minutes avant la pandémie, ils prennent maintenant près d’une heure chacun. Ça fait qu’on est plus dans le jus, et qu’on peut voir moins de gens, même s’ils ont plus besoin de nos services que jamais auparavant. »

Le nerf de la guerre

Au cours des dernières années, le Centre de crise s’est retrouvé à toujours avoir à faire plus avec moins. De 2012 à 2020, le nombre d’interventions au cours d’une année est passé de 13 000 à 21 000, avec à peu près les mêmes ressources. Dans ce contexte, le financement est un enjeu de taille, tant pour le maintien de la qualité des services que pour le recrutement. 

« Pour continuer de faire ce que nous faisons, il faut engager du monde, souligne Kathleen Giguère. C’est difficile en ce moment, car il y a une pénurie de main d’œuvre dans le milieu. En plus, même si les gens qui travaillent au centre ont de bonnes conditions, celles-ci n’ont rien à voir avec ce qu’offre le milieu gouvernemental. Alors bien des gens prennent de l’expérience chez nous, pour ensuite aller se faire engager au CIUSS. On est une très belle école, car on fait de tout ici. Avec un meilleur financement, il serait plus facile d’embaucher des intervenants, mais aussi de faire en sorte qu’ils demeurent chez nous plusieurs années. »


Le Centre de crise de Québec, c’est…

  • 70 intervenants.
  • 5 volets de service.
  • Plus de 21 000 interventions en 2020.
  • Une disponibilité 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. 
  • Un budget annuel d’environ 3 millions de dollars pour des services entièrement gratuits, financés presque entièrement par de l’argent public. 

Pour faire un don, visitez leur site Web du Centre de crise.

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