On a vu que l’immense succès qu’eurent les festivités du 400e anniversaire de Québec contribua à augmenter la cote de popularité du maire auprès de la population. Pratiquement inconnu quelques mois auparavant, Régis Labeaume était désormais une superstar.
Par Gabriel Côté
Les élections de 2009 se soldèrent conséquemment par une victoire écrasante du parti qu’il avait lui-même fondé dans l’espoir de remédier au peu d’appuis qu’il avait jusqu’alors au Conseil municipal. Avec 25 élus sur 27, l’équipe Labeaume gouvernerait sans opposition à l’hôtel de ville jusqu’aux prochaines élections, et même plus loin encore.
Quelques revers ne suffirent pas pour empêcher la répétition de ce scénario en 2013, quand le parti du maire obtint 18 sièges sur 21 (le nombre de conseillers municipaux avait entre temps été ramené à 21). Les résultats furent similaires à l’élection de 2017, mais le score personnel de Régis Labeaume diminua considérablement (de 79,9% à l’élection de 2009 et 74% à celle de 2013, il reçut « seulement » 55% des suffrages en 2017). On peut donc considérer, si on évite mille nuances et détails, d’un règne incontesté qui dure maintenant depuis une douzaine d’années.
Cette situation découvrit peu à peu la face sombre de la personnalité de Régis Labeaume. Pour dire les choses comme elles sont, les citoyens de Québec n’ont pas choisi pour maire un grand seigneur, quelqu’un qui serait disposé à faire, à l’occasion, une fleur à ses adversaires, aussi peu nombreux soient-ils.
Hors du parti…
Un bien horrible dicton dit : « Hors du parti, point de salut. » Peut-être à cause du remarquable pragmatisme dont nous sommes capables à Québec, on a pris, rue des Jardins, ce mot à la lettre.
« On ne me saluait même pas dans les corridors, relate Yvon Bussières. Pendant 10 ans, la loi du silence régnait à l’Hôtel de Ville. Le monde d’Équipe Labeaume ne me serrait pas la main, et on ignorait systématiquement toutes mes demandes et tous mes commentaires. Pendant 10 ans, Régis Labeaume a essayé de m’intimider. Je n’ose pas répéter certaines choses qu’il a proférées à mon sujet, mais je me contenterai de souligner qu’il a parfois fait preuve d’une extrême cruauté mentale. »
Ceux et celles qui ont plutôt travailler avec lui et qui ont pour ainsi dire épouser sa cause voient les choses autrement, même s’ils reconnaissent que Régis Labeaume a un fort caractère.
« Pour moi, explique Julie Lemieux, amie du maire et élue à deux reprises comme conseillère municipale dans son équipe, on ne peut pas distinguer entre un ‘’bon’’ et un ‘’mauvais’’ côté de la personnalité de Régis Labeaume. Ça prend de la fougue et de la passion pour mener certains combats et pour porter des projets d’envergure à termes. Le maire n’aime pas s’enfarger dans les fleurs du tapis et c’est un homme qui prend les choses à cœur. Pour cette raison, il prend peut-être un peu les choses personnelles quand ça ne va pas comme il le souhaite. Mais en contrepartie, il est aussi capable d’autodérision, et il peut revirer de bord des situations difficiles. Au quotidien, c’était très agréable de travailler avec lui. Tout bien considéré, Régis Labeaume, c’est un bel humain. »
« Le malheur rapproche les hommes »
Il faut dire qu’un changement de ton a eu lieu à l’hôtel de ville ces dernières années.
« En 2017, il m’a offert d’être dans son équipe, reprend Yvon Bussières. J’ai refusé, mais j’ai consenti à appuyer ses projets, et à accompagner des membres moins expérimentés de son parti. En retour, il m’a aidé à faire déboucher certains dossiers dans mon secteur. Le malheur rapproche les hommes. Régis a eu le cancer, il a perdu son père ; de mon côté, je suis vieux et malade. Peut-être qu’on n’avait plus l’énergie de se colletailler comme avant. »
La vérité
2021 est une année électorale. Les autres personnes à qui nous avons demandé leur sentiment par rapport à la personnalité du maire nous ont à peu près tous offert la même réponse :
– Je préfèrerais ne pas réponse à cette question avant de savoir s’il va se représenter à la mairie.
– Pourquoi donc ?
– Et bien, s’il ne se représente pas, je ferai l’éloge de son caractère, en insistant sur sa force et sa détermination, sur son talent de persuasion et sur sa capacité à rassembler.
– Et s’il se représente ?
– Alors je dirai que c’est un tyran, qu’il ne fait qu’à sa tête, qu’il n’a aucune considération pour ceux qui ne voient pas les choses comme lui.
– Et de ces deux réponses, laquelle est la plus vraie ?
– … les deux.
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